L’ex-vice-amiral Edmundson, accusé d’agression sexuelle, est déclaré non coupable

Sarah Ritchie et Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
L’ex-vice-amiral Edmundson, accusé d’agression sexuelle, est déclaré non coupable

OTTAWA — Un juge d’Ottawa a déclaré lundi l’ancien vice-amiral Haydn Edmundson non coupable d’agression sexuelle et d’action indécente.

M. Edmundson était chef du personnel militaire en 2021 lorsqu’il a été accusé d’avoir agressé sexuellement une subalterne de la Marine pendant un déploiement en mer en 1991.

Le juge Matthew Webber a conclu lundi matin que la Couronne n’avait pas réussi à prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. Le magistrat a notamment souligné ses inquiétudes concernant les souvenirs de la plaignante de ce qui s’était passé il y a plus de 30 ans et le manque de preuves de la Couronne pour corroborer sa version des faits.

«Il y a tout simplement trop de problèmes, et je ne suis pas là pour […] déclarer ce qui s’est passé. Ce n’est pas mon travail, vous savez: mon travail consiste simplement à décider si la culpabilité a été prouvée ou non selon la norme requise, et ce n’est pas le cas», a déclaré le juge Webber.

Le procès avait eu lieu en février, mais le verdict a été reporté à deux reprises, notamment le mois dernier, lorsque le juge Webber a déclaré que sa décision n’était pas finalisée.

La plaignante, Stéphanie Viau, a témoigné au procès qu’elle avait 19 ans et qu’elle occupait le grade le moins élevé dans la Marine lorsque l’agression présumée s’était produite, alors que M. Edmundson, plus âgé, était officier. L’identité de la plaignante a été protégée pendant le procès, mais l’ordonnance de non-publication a depuis été levée.

Le vice-amiral a plaidé non coupable et a témoigné au procès qu’il n’avait jamais eu de contact sexuel avec Mme Viau. À sa sortie du tribunal, lundi, l’avocat Brian Greenspan a déclaré que son client était satisfait de la «confirmation claire et décisive de sa position inébranlable selon laquelle il n’était pas coupable de ces fausses accusations».

Action indécente

Pendant le procès, Mme Viau a témoigné que l’une de ses responsabilités à bord du navire était d’aller réveiller les officiers pour leur quart de garde et d’autres tâches de nuit, ce qu’elle avait régulièrement fait avec M. Edmundson pendant ce déploiement de 1991.

Le tribunal a entendu des témoignages contradictoires au sujet de cette tâche d’aller réveiller les officiers dans leur cabine. Mme Viau a estimé qu’elle réveillait M. Edmundson toutes les deux ou trois nuits, et elle a dit au tribunal que le comportement de cet officier s’était progressivement aggravé pendant ce déploiement.

Elle a raconté que M. Edmundson avait commencé à dormir nu et qu’une nuit, elle l’avait ainsi trouvé complètement déshabillé, par-dessus les draps. La plaignante a soutenu qu’elle était alors devenue «folle», lui criant dessus et allumant les lumières pour réveiller l’autre officier qui dormait dans la couchette supérieure. Cet événement était à la base de l’accusation d’action indécente.

Or, le juge Webber a conclu qu’il ne croyait pas que Mme Viau aurait pu causer un tel grabuge à bord d’un navire de la Marine, la nuit, sans que d’autres personnes s’en rendent compte.

«Je conclus que le témoignage global [de Mme Viau] sur l’allégation selon laquelle M. Edmundson s’est progressivement exposé à elle est beaucoup trop compromis pour approcher la preuve des allégations qu’elle a faites», a conclu le magistrat.

Agression sexuelle

Mme Viau a par ailleurs allégué que l’agression sexuelle s’était produite quelques jours après qu’elle a hurlé devant lui. Elle a témoigné au procès que l’officier l’avait arrêtée dans le couloir et l’avait appelée dans sa cabine pour discuter. La plaignante a soutenu que M. Edmundson l’avait alors empêchée de quitter la pièce et qu’il l’avait agressée sexuellement.

Lorsque M. Edmundson a témoigné pour sa propre défense, il a nié avoir eu de contact physique ou sexuel avec Mme Viau.

Au cours de son témoignage, il a également déclaré que la plaignante ne l’avait pas régulièrement réveillé pendant ce déploiement, parce que son rôle de navigateur l’obligeait à travailler principalement le jour.

Me Greenspan a pris pour cible un témoin de la Couronne lors du contre-interrogatoire. La femme, dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication du tribunal, était une amie de Mme Viau à bord du navire.

Elle a témoigné qu’elle se souvenait du soir de l’agression parce qu’elle et la plaignante se préparaient pour une soirée lors d’une escale au port et qu’elle avait égaré ses lunettes de lecture. Elle a déclaré que Mme Viau avait proposé d’aller les chercher dans une autre partie du navire, mais qu’elle n’était jamais revenue. Elle est alors partie à sa recherche.

En contre-interrogatoire, la femme a expliqué qu’elle avait raconté tout cela à un journaliste de la CBC au début de 2021. Or, Me Greenspan a produit une transcription de cette entrevue qui, selon lui, suggérait que le journaliste lui avait révélé des détails clés du récit de Mme Viau avant de lui poser des questions. L’avocat de l’accusé a alors soutenu que le journaliste avait fourni des informations au témoin et qu’elle n’aurait pas pu corroborer autrement le récit de la plaignante.

Dans sa décision, le juge Webber a conclu que le témoignage de cette femme «ne pouvait en aucun cas être invoqué pour corroborer le témoignage de la plaignante, car il s’agit clairement d’un souvenir vicié, qui ne représente pas un véritable souvenir».

D’autres affaires dans l’armée

M. Edmundson a fait partie d’une série de hauts dirigeants militaires à avoir été accusés d’inconduite sexuelle en 2021. Il a démissionné de son poste de chef du personnel militaire lorsque les allégations ont été rendues publiques en 2021. Des accusations ont été portées des mois plus tard, en décembre 2021.

M. Edmundson a témoigné qu’en février 2022, le chef d’état-major de la défense lui avait ordonné de prendre sa retraite des Forces armées.

À sa sortie du tribunal, lundi, M. Edmundson a refusé de dire s’il envisageait de poursuivre le gouvernement ou l’armée.

Cette crise au sein de l’armée a poussé le gouvernement à demander un examen externe, qui a été mené par l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour. Dans son rapport, déposé en mai 2022, elle appelait à des changements radicaux pour réformer la culture toxique au sein des Forces armées.

La nouvelle cheffe de la défense de l’armée, la générale Jennie Carignan, avait ensuite été promue au poste nouvellement créé de «chef de la conduite professionnelle et de la culture», dans le but de mettre en œuvre les recommandations du rapport Arbour.

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