MONTRÉAL — Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones affirme que l’Inuit abattu par la police dans un village du Nord-du-Québec en début de semaine est un exemple de racisme systémique.
Gary Anandasangaree a indiqué jeudi dans un communiqué que la mort de Joshua Papigatuk met en évidence le racisme systémique dont sont victimes les peuples autochtones dans le système judiciaire.
«Cette tragédie met en évidence le racisme systémique profondément ancré dans notre système de justice pénale, qui continue d’avoir un impact disproportionné sur les peuples autochtones», a écrit le ministre Anandasangaree. «Un véritable changement structurel est essentiel pour remédier à ces injustices.»
Il a qualifié ce décès de «perte tragique» pour les proches et la communauté du Nunavik, la région la plus septentrionale du Québec, et «pour tant de personnes qui ont vécu une douleur bien trop familière».
Joshua Papigatuk a été tué par balle et son frère jumeau Garnet a été grièvement blessé lorsque des agents du Service de police du Nunavik ont répondu à un appel concernant une personne qui aurait tenté de conduire avec les facultés affaiblies, dans la nuit de lundi.
La fusillade survenue dans la communauté de Salluit a ébranlé la région du Nunavik et suscité la colère et des appels aux changements.
Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) a ouvert une enquête sur la fusillade et, après des retards dus aux conditions météorologiques, les enquêteurs ont pu atterrir jeudi après-midi dans ce village accessible seulement par avion.
Selon le BEI, les deux policiers arrivés sur les lieux quelques minutes après l’appel auraient utilisé une arme à impulsion électrique et du poivre de cayenne pour maîtriser deux personnes, «sans succès». Un des policiers aurait alors fait feu en direction d’une des personnes, qui aurait été blessée, mais «l’altercation se serait poursuivie avec la deuxième personne». Le policier aurait alors fait feu en direction de cette deuxième personne, indique le BEI.
Un certain nombre de vidéos présumées de l’événement ont été filmées par des passants et publiées sur les réseaux sociaux. Ni la police ni le BEI n’ont indiqué que les deux frères étaient armés.
Des manifestations ont eu lieu dans les communautés du Nord-du-Québec cette semaine, et d’autres sont prévues dans les 14 villages du Nunavik lundi soir prochain. Une publication Facebook pour les manifestations de lundi indique qu’elles constituent un «appel à la justice pour Joshua, sa famille et pour tous les Inuits, passés, présents et futurs».
Fort taux de mortalité
Le Nunavik a un taux de mortalité liée à la police beaucoup plus élevé que les autres régions et territoires du Nord du Canada. Un reportage de Radio-Canada en 2020 révélait qu’entre 2000 et 2018, au moins 17 Inuits sont morts en garde à vue ou après une interaction avec la police au Nunavik. La population moyenne de la région pendant cette période était d’un peu plus de 11 000 habitants.
Un porte-parole de l’Association québécoise des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec a déclaré que la police du Nunavik avait pris des mesures pour tenter d’améliorer les relations avec la communauté. Ses policiers sont équipés de caméras corporelles depuis 2020 et ils sont tenus de suivre un cours de «compétences culturelles» à l’Université Laval avant d’être déployés au Nunavik.
En 2021, la police a changé de nom pour devenir le Service de police du Nunavik, qui était auparavant la Force de police régionale Kativik, en supprimant explicitement le terme «force» pour éliminer toute référence à des «actions agressives ou répressives».
Mais Charles Magnan, de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits, a déclaré que de nombreux problèmes affectent tous les services de police autochtones: ils manquent souvent de personnel et d’équipement. Au Nunavik, il y a toujours eu un problème de rétention du personnel. «Ils manquent de ressources, que ce soit en ressources humaines, en équipement, en budget», a déclaré M. Magnan en entrevue jeudi.
Lors d’un voyage dans le Grand Nord en 2022, M. Magnan a déclaré avoir rencontré des policiers qui s’y étaient installés définitivement et qui faisaient de leur mieux pour s’impliquer dans la communauté, où les gens «ont le cœur sur la main».
Le recrutement de policiers inuits s’est avéré difficile, car les habitants du Nunavik se méfient de la police. La formation n’est disponible qu’à l’École nationale de police du Québec, à Nicolet, ou au Dépôt de la Gendarmerie royale du Canada en Saskatchewan, et de nombreux Inuits ne veulent pas voyager si loin de chez eux. Parallèlement, la formation en anglais au Québec est limitée. Les Inuits parlent l’inuktitut, tandis que certains parlent anglais et quelques-uns parlent français.
«On ne peut pas transformer quelqu’un en policier du jour au lendemain, il faut une formation spécifique», a précisé M. Magnan.
L’association a déclaré que la fusillade de lundi était un «événement très malheureux» et a ajouté qu’elle attendrait de voir les conclusions du BEI.
«Aucun policier ne se réveille le matin avec l’intention de vivre une telle expérience, a déclaré M. Magnan. C’est également très traumatisant pour la communauté.»