Loi sur les mesures d’urgence: éclaircissements réclamés sur la portée d’un examen

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
Loi sur les mesures d’urgence: éclaircissements réclamés sur la portée d’un examen

OTTAWA — Deux élus qui co-président le comité de députés et sénateurs chargé de faire la lumière sur le premier recours à la Loi sur les mesures d’urgence dans l’histoire du Canada estiment que l’étendue de leur examen mérite d’être clarifiée.

Les membres du comité, qui se sont réunis pour la première fois lundi, recevront d’ailleurs un légiste à leur prochaine rencontre. C’est ce qu’indique l’un des trois co-présidents du groupe de parlementaires, le bloquiste Rhéal Fortin.

«On a besoin que le légiste clarifie jusqu’où on peut aller, ce qui est dans notre carré de sable et ce qui ne l’est pas», soutient-il en entrevue avec La Presse Canadienne.

M. Fortin souligne qu’indépendamment des travaux du comité, une enquête doit aussi être faite par le gouvernement, et que le texte de la Loi sur les mesures d’urgence émet des distinctions entre ce qui appartient à cet exercice et celui qui occupera le comité qu’il copréside.

«Je suis convaincu qu’il y a plein de zones grises. Je suis convaincu que le légiste va nous dire: ‘’Ça dépend’’», résume le député.

La loi précise que le groupe de parlementaires a le mandat de se pencher sur «l’exercice des attributions découlant d’une déclaration de situation de crise» pendant que l’enquête faite par le gouvernement doit porter «sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration et les mesures prises pour faire face à la crise».

Le co-président néo-démocrate, Matthew Green, juge que la loi est ambiguë au chapitre de l’examen parlementaire. «Je suggérerais qu’on devrait l’interpréter pour que son étendue soit aussi vaste que possible», dit-il.

Aucun détail n’a été communiqué publiquement, pour l’heure, par le gouvernement Trudeau sur la façon dont son enquête sera menée, mais M. Green en comprend qu’aucun sénateur ou député n’y participera. Ainsi, il en conclut que le comité parlementaire doit pouvoir aller en profondeur.

«Ce sera probablement la seule opportunité pour des membres du Parlement (…) d’examiner et de faire enquête ouvertement et très publiquement sur la Loi sur les mesures d’urgence», insiste-t-il.

Un autre élément à éclaircir avec la venue du légiste, selon M. Fortin, est la portée d’une clause de la loi sur des réunions qui doivent se tenir à huis clos.

Selon sa compréhension du texte de loi, certaines discussions pourraient se dérouler derrière les portes closes, mais seulement si les conversations portent sur des décrets et règlements qui n’ont pas pu être publiés.

«(Certains de ces documents) ne sont pas assujettis à l’obligation d’être publiés dans la Gazette officielle du Canada. Ils ne le sont pas pour des raisons de sécurité nationale, entre autres», explique le député.

S’il convient que ces éléments spécifiques ne devraient pas être exposés au grand jour par les travaux du comité, le député bloquiste souhaite que tout le reste des travaux du comité soit filmé et accessible au public.

«Tous les députés et tous les ministres ont des comptes à rendre à l’ensemble des citoyens du Québec et du Canada et je ne vois pas pourquoi on se cacherait derrière des portes closes quand vient le temps de faire une reddition de comptes.»

M. Green croit aussi que les discussions tenues à huis clos devraient se limiter à celles définies au sens de la loi, qu’il interprète de la même façon que M. Fortin.

Durant la réunion du comité de lundi, l’un des vice-présidents du comité, le libéral Arif Virani, a affirmé que les Canadiens ne sont pas forcément intéressés à entendre les parlementaires discuter de procédures. Il a noté que ce type de discussions ne sont bien souvent pas publiques dans le cadre d’activités des autres comités.

«Je pense que la transparence est importante (…) mais c’est une transparence quant aux témoins qui viennent, leurs témoignages, les questions qui sont posées par les différents membres (du comité) et les réponses entendues», a-t-il affirmé.

M. Green croit que le contexte dans lequel la Loi sur les mesures d’urgence a été invoquée justifie que tout ce qui peut être public le soit. 

«J’ai le sentiment qu’il y a déjà de la méfiance, une perte de confiance envers le gouvernement (et) nos institutions alors je veux m’assurer que nous ayons toute cette discussion en public, à chaque occasion possible.»

Le premier ministre Justin Trudeau a recouru à la Loi sur les mesures d’urgence dans le but de mettre fin aux manifestations anti-mesures sanitaires qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa durant des semaines. L’application de la loi a été révoquée environ 10 jours après son entrée en vigueur.

Le comité de députés et sénateurs, aussi co-présidé par la sénatrice indépendante Gwen Boniface, déposera en Chambre son premier rapport d’étape mardi prochain. Ce dernier résumera les points de procédure sur lesquels se sont entendus les membres au cours de leur réunion de lundi. D’autres rapports seront présentés au fur et à mesure que les travaux du comité avanceront.

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