L’Ontario présente un plan pour l’avenir du nucléaire en Amérique du Nord

La Presse Canadienne
L’Ontario présente un plan pour l’avenir du nucléaire en Amérique du Nord

WASHINGTON — L’Ontario se présente comme l’étoile Polaire du nucléaire pour guider l’orientation de l’énergie en Amérique du Nord alors que les États-Unis cherchent à se décarboner dans un contexte de demande d’énergie toujours croissante.

«Cela met vraiment en évidence les intérêts nationaux et économiques du Canada et des États-Unis: nous travaillons ensemble pour exploiter cette capacité à produire de l’énergie propre», a déclaré Stephen Lecce, ministre de l’Énergie et de l’électrification de l’Ontario.

Il était à Washington, au début de son nouveau mandat, pour prendre la parole à l’Institut de l’énergie nucléaire en marge du sommet des dirigeants de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) le mois dernier.

Alors que l’invasion russe de l’Ukraine jette une ombre sur le rassemblement de l’alliance de défense, il s’agissait d’une occasion importante de mettre en valeur la position du Canada en tant que fournisseur fiable d’énergie.

La Russie est un important fournisseur d’uranium, le combustible des réacteurs nucléaires. La guerre a déstabilisé cet approvisionnement. Mais le Canada est aussi dans le coup.

La Saskatchewan possède des gisements d’uranium de haute qualité et constitue le port d’attache de Cameco, l’un des plus grands producteurs mondiaux. Pour sa part, l’Ontario élabore un plan pour la construction d’une technologie de réacteur plus abordable.

«[Il est temps de] débarrasser nos économies de toute dépendance vis-à-vis de ces États étrangers qui (…) ne partagent pas notre tradition démocratique, a affirmé M. Lecce aux dirigeants occidentaux. C’est le moment pour l’Ontario.»

Les réacteurs nucléaires fournissent environ 14 % de l’électricité totale du Canada. En Ontario, où se trouvent la plupart des réacteurs, la proportion dépasse 50 %.

Ontario Power Generation prévoit d’augmenter sa capacité nucléaire en s’appuyant sur de petits réacteurs modulaires sur le site nucléaire de Darlington. Les nouveaux réacteurs, mis au point par General Electric Hitachi Nuclear Energy, ne représentent qu’une fraction de la taille d’un modèle conventionnel.

Les experts de l’industrie affirment qu’ils peuvent être construits à un rythme plus rapide pour un prix beaucoup plus abordable. Le plan est de mettre le premier réacteur en service d’ici 2029.

Jusqu’à présent, des coûts colossaux et des délais imprévisibles ont ralenti leur essor dans une grande partie de l’Amérique du Nord. Le scepticisme du public constitue également un obstacle.

Une fusion partielle d’un réacteur à Three Mile Island en Pennsylvanie en 1979 a provoqué des manifestations animées par des personnalités comme Jane Fonda et des concerts intitulés «No Nukes», avec Bruce Springsteen montant sur scène contre l’énergie nucléaire. Cela a refroidi le soutien populaire pendant des décennies.

Une partie de l’inquiétude s’est atténuée à mesure que les changements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre suscitent davantage de préoccupations.

Lors de la conférence internationale de Dubaï sur les changements climatiques l’année dernière, la COP28, plus de 20 pays se sont engagés à tripler leur production d’énergie nucléaire d’ici 2050. Le Canada et les États-Unis en faisaient partie.

Expansion difficile aux États-Unis

L’engagement souligne que l’énergie nucléaire pourrait jouer un rôle clé vers le zéro émission de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Aux États-Unis, la création d’une dynamique est difficile en raison des prix.

L’expansion de l’usine Vogtle, la plus grande installation nucléaire du pays, a été lancée en Géorgie, mais avec sept ans de retard et un dépassement budgétaire d’environ 11 milliards $ US, pour un coût global de près de 35 milliards $ US.

Un autre projet du cofondateur de Microsoft, Bill Gates, devrait coûter jusqu’à 4 milliards $ US. Sous la présidence de M. Gates, la société énergétique TerraPower a récemment commencé la construction d’une centrale dans le Wyoming.

«Ce genre de coûts, ou quelque chose qui s’en rapproche, signifie que le nucléaire est une alternative extrêmement coûteuse pour lutter contre les changements climatiques», a déclaré David Schlissel, directeur de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis.

Il vaudrait mieux investir dans des énergies renouvelables et des batteries plus rentables, a indiqué Schlissel, arguant que l’industrie nucléaire a «beaucoup d’engouement».

Les États-Unis tirent actuellement environ 20 % de leur électricité nationale d’un parc de 94 réacteurs nucléaires, situés pour la plupart à l’est du fleuve Mississippi. Cela représente environ la moitié de l’électricité verte du pays.

Les politiques mises en place sous les administrations de l’ancien président Donald Trump et du président actuel, Joe Biden, ont fait progresser l’industrie nucléaire, a affirmé Jacopo Buongiorno, professeur de science et d’ingénierie nucléaire au Massachusetts Institute of Technology.

Des subventions et incitatifs supplémentaires pour les sources d’énergie propre, y compris le nucléaire, ont été établis avec la loi sur la réduction de l’inflation en 2022.

M. Buongiorno, qui est également directeur du Center for Advanced Nuclear Energy Systems, a dit qu’il y avait de l’excitation concernant le rôle que l’énergie nucléaire pouvait jouer dans la décarbonation du réseau électrique, mais la croissance de l’industrie n’est toujours pas là.

Jusqu’à présent, la promotion de petits réacteurs modulaires consiste en «beaucoup de paroles, mais pas beaucoup d’actions» aux États-Unis, a précisé M. Buongiorno. Cela signifie que les parties prenantes américaines surveilleront le Canada de près pour voir comment les efforts de l’Ontario se dérouleront, a-t-il ajouté.

«S’ils parviennent à livrer à temps et dans les limites du budget, je pense que les vannes s’ouvriront.»

Il existe une demande mondiale pour davantage d’énergie, a déclaré George Christidis, de l’Association nucléaire canadienne.

L’énergie nucléaire jouera un rôle essentiel dans le maintien d’un alignement étroit entre le Canada et les États-Unis, a-t-il affirmé, peu importe qui remportera l’élection présidentielle de novembre.

«Le Canada et les États-Unis sont désormais tout à fait d’accord pour atteindre ces grands objectifs politiques, a-t-il indiqué. Énergie, sécurité et climat.»

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