L’opposition demande de cesser de financer Éduc’alcool

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
L’opposition demande de cesser de financer Éduc’alcool

QUÉBEC — Le gouvernement Legault doit cesser de financer l’organisme Éduc’alcool, a exigé jeudi l’opposition, qui soupçonne un conflit d’intérêts: l’organisme s’oppose à des sanctions administratives pour un taux d’alcoolémie au volant entre 50 mg d’alcool/100 ml et 80 mg d’alcool/100 ml de sang.

La Maison Jean Lapointe, qui oeuvre depuis plusieurs décennies dans la prévention des dépendances, estime aussi qu’Éduc’alcool «demeure un frein à cette avancée».

Le Parti libéral du Québec (PLQ) réclame une commission parlementaire pour se pencher sur le mandat, «l’indépendance et le financement» d’Éduc’Alcool.

Les libéraux mènent depuis plusieurs mois une croisade pour l’imposition, à l’instar d’autres provinces, de sanctions administratives dès que le taux d’alcoolémie dépasse 0,05.

La Société d’assurance automobile (SAAQ) est aussi favorable, à la suite d’une recommandation du coroner. Mais la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, s’y oppose, ainsi qu’Éduc’alcool.

Concernant cet organisme, «on est devant un conflit d’intérêts», a soutenu le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon en mêlée de presse jeudi matin. Le PQ est pour le principe d’un resserrement à 0,05, mais veut entendre tous les points de vue en commission parlementaire.

Dans sa lettre qui demande un mandat d’initiative à la commission parlementaire des transports et de l’environnement, le député libéral Monsef Derraji soutient que la prise de position d’Éduc’alcool s’explique par sa formule de financement, parce qu’il reçoit une redevance basée sur le volume d’alcool vendu au Québec et perçue par la Société des alcools du Québec (SAQ).

«On ne peut pas prétendre servir la santé puis l’intérêt public, mais être financé par l’industrie qui cherche à vendre davantage de ce produit-là», a renchéri M. St-Pierre Plamondon.

«Tant que le conflit d’intérêts n’est pas résolu puis que ce n’est pas éclairci, il n’y a pas de fonds public qui doit aller là, la SAQ doit suspendre maintenant son financement», a-t-il conclu.

«Ça pose des questions sur la manière dont est financé cet organisme et puis est-ce que ça oriente leurs positions», a commenté la députée Christine Labrie, de Québec solidaire, en ajoutant que l’organisme a perdu beaucoup de sa crédibilité.

«Cela crée un conflit d’intérêts évident et soulève de grandes questions éthiques puisque toute réduction de la consommation d’alcool au Québec entraîne un impact financier négatif sur Éduc’alcool», écrit M. Derraji.

«De nombreux Québécois croient à tort que cet organisme a une mission de sensibilisation ancrée dans la santé publique, poursuit-il. Or, la réalité est tout autre.»

La lettre demande notamment de convoquer en commission le président de la SAQ, Jacques Farcy, la directrice générale d’Éduc’alcool, Geneviève Desautels, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et le ministre des Finances, Eric Girard.

Dans une lettre ouverte transmise jeudi, la Maison Jean Lapointe soutient que la réduction de la limite légale à 0,05 représente une «avancée indispensable» pour la sécurité routière au Québec.

«Les recherches montrent qu’un taux d’alcool de 0,05 augmente déjà le risque d’accidents mortels de manière significative, et celui-ci quadruple lorsque le taux atteint entre 0,05 et 0,08», soutient la Maison Jean Lapointe en citant une étude de l’Institut national de santé publique du Québec.

Éduc’alcool, qui célèbre ses 35 ans, dit être un organisme indépendant dont le rôle «est d’amener la population québécoise à faire des choix éclairés en matière de consommation responsable», peut-on lire sur son site.

Éduc’alcool vise à être reconnue, acceptée et soutenue par la société québécoise comme une autorité crédible et indépendante en matière de consommation responsable, poursuit-on.

La diminution du seuil limite d’alcool dans le sang à 50 mg/100 ml nécessiterait de modifier le Code de la sécurité routière.

La SAAQ a déjà planché sur un régime de sanctions dans une analyse qu’elle a rendue publique cette semaine.

Par exemple, à la première infraction, il pourrait y avoir une suspension administrative de 3 jours du permis de conduire, une amende entre 300 $ et 600 $ et 4 points d’inaptitude.

À la deuxième infraction dans les 10 dernières années, seule la suspension serait plus longue, 7 jours.

Mais à la troisième infraction et plus, la suspension du permis serait de 30 jours, le véhicule serait saisi pour 7 jours, mais l’amende s’élèverait toujours à entre 300 et 600 $ et 4 points d’inaptitude seraient toujours imposés.

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