MONTRÉAL — Les individus qui se sont rendus à l’urgence d’un hôpital ontarien après avoir consommé une substance hallucinogène présentaient un risque de schizophrénie 21 fois plus élevé que celui de la population générale, a constaté une nouvelle étude.
Même en tenant compte de facteurs comme les autres problèmes de santé mentale du patient ou l’utilisation d’autres substances, le risque de schizophrénie demeurait 3,5 fois plus élevé.
«Ce ne sont pas seulement des gens qui font un ‘bad trip’, a dit l’auteur de l’étude, le docteur Daniel Myran de l’Hôpital d’Ottawa. On parle de gens qui ont une réaction indésirable tellement importante après avoir utilisé des hallucinogènes qu’ils se rendent à l’urgence.»
Dans les trois années qui ont suivi une visite à l’urgence pour une utilisation d’hallucinogènes, 4 % des individus ont reçu un diagnostic de schizophrénie, comparativement à 0,15 % pour des membres de la population générale suivis pendant la même période ― un risque 21 fois plus élevé.
De plus, les individus qui s’étaient rendus à l’urgence après avoir pris des hallucinogènes présentaient un risque de schizophrénie 4,7 fois plus élevé que ceux qui avaient consulté pour une consommation d’alcool, et 1,5 fois plus élevé que pour une consommation de cannabis.
Ces résultats sont publiés alors que les taux annuels de visites aux urgences pour une consommation d’hallucinogènes ont augmenté de 86 % entre 2013 et 2021 en Ontario.
«Il y a de plus en plus de visites à l’urgence pour une utilisation d’hallucinogènes, a rappelé le docteur Myran, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la responsabilité sociale à l’Université d’Ottawa. Les gens croient que les hallucinogènes sont inoffensifs. Et ce qu’on voit, c’est qu’il y a probablement de plus en plus de gens qui les utilisent au Canada.»
Ces résultats surviennent aussi au moment où l’utilisation de substances psychédéliques comme le LSD ou la psilocybine à des fins thérapeutiques retient de plus en plus l’attention de la communauté médicale. Les essais cliniques réalisés sur le sujet excluent d’ailleurs d’emblée les individus qui ont une histoire personnelle ou familiale de schizophrénie.
Les résultats mettent donc en relief la nécessité de disposer de davantage de données sur les avantages et les risques associés à l’utilisation des hallucinogènes.
«Tout ça est encore tout nouveau et il est très tôt, a rappelé le docteur Myran. Et pour le moment, nous n’avons vraiment pas beaucoup de données au sujet des utilisations thérapeutiques, des bienfaits et des risques potentiels (de ces substances).»
Plusieurs questions demeurent ainsi sans réponse. Il est par exemple possible que les individus qui ressentent les premiers symptômes d’une schizophrénie se tournent vers les hallucinogènes pour tenter de se soulager.
Les auteurs de l’étude précisent d’ailleurs que leurs travaux ne permettent pas d’établir de lien de causalité entre l’utilisation d’hallucinogènes et un diagnostic de schizophrénie.
«L’étude ne dit pas que si vous prenez de la psilocybine une fois, votre risque de schizophrénie va exploser, a souligné le docteur Myran. Mais il semble y avoir un sous-groupe d’individus qui ne développeraient pas de schizophrénie s’ils ne prenaient pas d’hallucinogènes.»
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical JAMA Psychiatry.