Manitoba: quatre peines à perpétuité pour le tueur de quatre femmes autochtones

Brittany Hobson, La Presse Canadienne
Manitoba: quatre peines à perpétuité pour le tueur de quatre femmes autochtones

WINNIPEG — Elles étaient des filles, des mères et des amies aimantes dont l’ambition et le potentiel ont été éteints par un «monstre».

Le tueur en série Jeremy Skibicki a été condamné mercredi à quatre peines d’emprisonnement à perpétuité concurrentes, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, pour les meurtres de quatre femmes autochtones à Winnipeg en 2022.

Le juge en chef de la Cour du Banc du Roi, Glenn Joyal, a déclaré lors d’une audience de détermination de la peine qu’il était tenu par la loi d’imposer la peine automatique après avoir condamné Skibicki, 37 ans, le mois dernier pour quatre chefs de meurtre au premier degré.

Les proches et les partisans de Morgan Harris, Marcedes Myran, Rebecca Contois et une femme non identifiée que des membres de la communauté autochtone ont appelée Mashkode Bizhiki’ikwe, ou Buffalo Woman, ont rempli la salle d’audience pendant que plusieurs déclarations sur les répercussions sur les victimes étaient lues.

Certains portaient des chandails arborant les visages souriants de Mmes Myran et Contois. Un grand portrait peint de Marcedes Myran avec une empreinte de main rouge sur la bouche était exposé.

Elle Harris a témoigné au tribunal qu’elle ne pouvait pas condenser la perte de sa mère en mots sur un morceau de papier.

«Savez-vous combien de fois j’ai dû écouter comment ma mère a été assassinée, dans des détails horribles?» a demandé la fille de Morgan Harris.

«Je suis restée avec ma confusion et ma colère. Je suis restée sans conclusion. Je suis restée avec un traumatisme… Je me sens engourdie et blessée. Et, finalement, je suis restée sans ma mère pour m’aider à traverser tout cela», a-t-elle ajouté.

M. Skibicki n’a montré aucune émotion pendant l’audience d’environ 3 heures et demie. Il était assis dans le box des prisonniers flanqué de shérifs et regardait droit devant lui sans saluer les membres de la famille qui partageaient leurs déclarations.

Témoignages

Cambria Harris, la fille aînée de Morgan Harris, se tenait debout avec son partenaire et regardait directement Jeremy Skibicki pendant qu’elle parlait.

«Chaque moment que (Skibicki) passe dans cette salle d’audience à respirer, libre même enchaîné, est un autre moment où ma mère ne l’est pas», a-t-elle dénoncé.

«Alors que (Skibicki) peut rester là, entouré et protégé, ma mère continue de reposer dans une décharge, l’endroit même où (Skibicki) l’a mise», a-t-elle poursuivi.

Cambria Harris a fait valoir que sa mère, qui avait cinq enfants, avait été privée de la possibilité de passer du temps avec son plus jeune enfant et sa petite-fille.

Le tribunal a entendu que Morgan Harris était également aimée par de nombreuses personnes qui considéraient la rue comme leur foyer, comme l’a fait la femme de 39 ans à divers moments de sa vie.

Cambria Harris a affirmé que sa mère souffrait de problèmes de santé mentale et que Jeremy Skibicki lui avait volé toute chance d’obtenir l’aide qu’elle méritait.

Elle a terminé sa déclaration en insultant Skibicki d’une voix calme et élevée, après quoi la tribune a éclaté en acclamations et en applaudissements.

Profondes cicatrices

La grande cheffe Cathy Merrick, de l’Assemblée des chefs du Manitoba, a témoigné au tribunal que les meurtres ont laissé de profondes cicatrices et qu’elles seront ressenties pendant des générations.

«Les actions de ce meurtrier condamné ont souligné la nécessité de justice et de responsabilité», a lâché Mme Merrick, retenant ses larmes.

Le procès a entendu que Jeremy Skibicki a ciblé les femmes dans des refuges pour sans-abri, puis les a étranglées ou noyées avant de jeter leurs restes dans des poubelles au printemps 2022.

Les meurtres ont été révélés lorsqu’un homme à la recherche de ferraille a trouvé les restes partiels de Mme Contois, 24 ans, dans une benne à ordures du quartier de Skibicki. D’autres restes de sa dépouille ont été découverts dans une décharge gérée par la ville.

Jeremy Contois a lu une déclaration au nom de sa sœur Stephanie, alors qu’elle se tenait à côté.

Elle y décrit le moment où la police est arrivée chez elle pour lui dire qu’ils avaient trouvé le corps de sa sœur, la laissant dans le choc le plus angoissant qu’elle ait jamais ressenti.

«Je ne peux pas regarder une poubelle… ça me donne la nausée», a-t-elle écrit.

Suprémacie blanche

Lors d’un interrogatoire de police, M. Skibicki a admis avoir tué Rebecca Contois et les trois autres femmes.

Jeremy Skibicki a expliqué à la police que les meurtres étaient motivés par des raisons raciales et a cité des croyances suprémacistes blanches.

Au procès, un avocat de la défense a rapporté que Skibicki avait admis les meurtres, mais qu’il était trop malade mentalement pour être tenu criminellement responsable.

Le juge s’est dit d’accord avec un psychiatre qui a témoigné pour la Couronne selon lequel Skibicki n’avait pas de trouble mental affectant sa capacité à savoir que les meurtres étaient moralement répréhensibles.

Au cours de l’audience de détermination de la peine, le juge Joyal a demandé si Skibicki avait quelque chose à dire. «Non», a-t-il répondu.

Fouiller pour les restes

En 2022, la police a déclaré qu’elle pensait que les restes de Mmes Harris et Myran avaient été emmenés dans une autre décharge à l’extérieur de la ville, mais qu’il n’y aurait pas de recherche. La police a déclaré que trop de temps s’était écoulé et que ce serait trop complexe et dangereux.

Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays pour exiger une fouille de la décharge de Prairie Green. Les gouvernements fédéral et manitobain ont récemment investi 40 millions $ pour les recherches, qui devraient débuter plus tard cette année.

Le juge Joyal a reconnu le «profond chagrin» que chacune des familles a dû endurer. Il les a remerciées pour leur courage et leur honnêteté.

Les familles des femmes «méritaient mieux que ce qui peut être accompli dans une salle d’audience», a-t-il ajouté.

À l’extérieur du palais de justice, la sœur de Mme Myran a dit qu’elle appréciait les paroles du juge Joyal, mais a ajouté que la peine ne serait jamais suffisante.

«Ce que (Skibicki) a fait à ces femmes, il mérite bien plus que ce qui lui a été infligé aujourd’hui», a affirmé Jorden Myran.

Sa grand-mère, Donna Bartlett, a qualifié Skibicki de «monstre maléfique».

«Il a blessé cette famille, l’a déchirée, a déchiré nos âmes en morceaux. Cela restera là pour toujours», a-t-elle déploré.

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