Nouvelle intervention efficace pour prendre en charge la douleur chronique

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Nouvelle intervention efficace pour prendre en charge la douleur chronique

MONTRÉAL — Une seule séance de thérapie de sensibilisation et d’expression émotionnelle a été associée à un soulagement de la douleur chronique plus important que la thérapie cognitivo-comportementale, révèle une étude américaine.

Les deux tiers des 126 anciens combattants qui ont profité de cette intervention dans le cadre de cette recherche ont rapporté une réduction de leur douleur d’au moins 30 %, comparativement à 17 % pour ceux à qui on a offert l’autre thérapie plus connue et plus utilisée.

L’étude randomisée a aussi démontré que les individus souffrant de dépression et d’anxiété répondaient plus favorablement à la thérapie de la conscience et de l’expression émotionnelles.

«Plus on a d’outils pour aider nos patients qui souffrent de douleur chronique, plus c’est intéressant, a commenté la cheffe du service de douleur chronique au CHU de Québec-Université Laval, la docteure Anne Marie Pinard.

«Il n’y a pas de ‘one size fits all’ en douleur chronique ou en médecine en général. Si une personne veut telle approche, ça sera peut-être différent pour son voisin. Il faut apprendre, comme professionnelle de la santé, à tenir compte des préférences et des intérêts de nos patients. De cette façon-là, si ça résonne pour eux, on est beaucoup plus certain qu’ils vont accepter ce qu’on va leur proposer.»

La thérapie de sensibilisation et d’expression émotionnelle est une forme de thérapie psychologique qui cible les traumatismes, le stress et les problèmes relationnels que l’on retrouve chez de nombreuses personnes souffrant de douleurs chroniques, en particulier de douleurs «centralisées».

Dans un document qui décrit les grandes lignes de cette thérapie, la Société pour la santé psychologique des États-Unis explique que «les patients doivent apprendre que leur cerveau (…) est l’organe qui génère ou amplifie leur douleur et d’autres symptômes somatiques».

Le cerveau, ajoute le document, «a été fortement façonné par les expériences vécues tout au long de la vie, y compris les blessures ou les procédures douloureuses». La thérapie aiderait donc les patients à faire face à ces situations évitées et chargées d’émotions, à prendre conscience de leurs sentiments, à les éprouver et à les exprimer de manière adaptée.

Dans le cadre de cette intervention, précise l’organisation, les patients sont encouragés à se souvenir d’une personne et d’une situation conflictuelle et à exprimer leurs émotions sous-jacentes à la personne ou au souvenir imaginé ou remémoré, en utilisant des mots, le ton de la voix, les muscles du visage et le corps.

«La technique corrective centrale consiste à éprouver, exprimer et libérer les émotions liées à des relations traumatisantes, victimisantes, conflictuelles ou douloureuses, précise le document. Ce processus passe souvent par les émotions de colère ou de rage, puis par la culpabilité, la tristesse ou la nostalgie, et parfois l’amour.»

En d’autres mots, les patients apprennent que la perception de la douleur par le cerveau est fortement influencée par l’évitement du chagrin, de la peur, de la rage ou de la culpabilité.

En revanche, la thérapie cognitivo-comportementale apprend aux patients à améliorer leur capacité à tolérer la douleur grâce à l’imagerie guidée, à la relaxation musculaire et à d’autres exercices, ainsi qu’à adapter leur mode de pensée pour changer leur perception de la douleur.

«C’est une façon de faire qui a plein de sens, a estimé la docteure Pinard. Par exemple, quand les gens sont très fâchés, qu’ils ont un sentiment d’injustice très important par rapport à leur douleur chronique, parfois on leur dit qu’il faut laisser aller, il faut les laisser s’exprimer, et après on passe à autre chose. Il y a un peu de ça là-dedans. L’idée est intéressante pour ceux à qui ça convient.»

Cette approche non pharmacologique est d’autant plus intéressante, ajoute-t-elle, que la médication ne soulagera qu’environ le tiers de la douleur ressentie, une statistique qui est parfois «très mal reçue» par le patient.

Le reste du soulagement passera par toutes les autres approches non pharmacologiques, qu’il s’agisse de réadaptation, de méditation, d’autohypnose ou autre.

Tout ça peut avoir l’air un peu ésotérique, a dit la docteure Pinard, mais ça finit par aider les gens à retrouver une qualité de vie et non seulement à réduire l’intensité de leur douleur sur dix.

«Nos meilleurs succès sont toujours chez les patients qui sont bien engagés, qui ont accepté de regarder là où c’est moins beau, là où c’est plus désagréable dans leur vie, un peu comme cette technique-là le propose pour éventuellement retrouver une qualité de vie», a dit la docteure Pinard en conclusion.

Les conclusions de cette étude ont été publiées en ligne par le journal médical JAMA Network Open.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires