Ottawa aurait plus de marge dans son budget à cause de la montée des prix du pétrole

Jordan Press, La Presse Canadienne
Ottawa aurait plus de marge dans son budget à cause de la montée des prix du pétrole

OTTAWA — Le gouvernement fédéral pourrait se retrouver avec des milliards de plus de marge de manœuvre pour des dépenses grâce à la montée des prix du pétrole qui, selon des experts, pourrait réduire le déficit ou donner aux libéraux la possibilité de financer une multitude de promesses de campagne.

C’est une position similaire à celle dans laquelle les libéraux se sont retrouvés en décembre dernier lorsqu’une situation économique plus rose a donné au gouvernement 38,5 milliards $ de marge de dépenses supplémentaire, qui a été rapidement engloutie par 28,4 milliards $ de dépenses nouvelles et promises précédemment.

Depuis lors, les prix du pétrole sont allés encore plus haut que ce que le ministère des Finances avait prévu, sans aucun signe immédiat de relâchement.

La hausse des prix pourrait réduire le déficit fédéral d’autant que 5 milliards $ grâce à une augmentation des recettes fiscales des sociétés pétrolières et gazières, a déclaré Trevor Tombe, économiste à l’Université de Calgary.

« C’est plus que l’ensemble des dépenses fédérales prévues pour les nouvelles initiatives de garde d’enfants », a-t-il déclaré, faisant référence aux 4,9 milliards $ de nouvelles dépenses au cours des 12 prochains mois décrites dans le budget fédéral de l’année dernière.

« Il s’agit donc d’une amélioration significative du résultat net fédéral », a-t-il affirmé.

En décembre, le ministère des Finances prévoyait que le résultat net du gouvernement afficherait un déficit de 58,4 milliards $ pour l’exercice qui commence en avril, sans compter les nouvelles promesses de dépenses, après deux années de déficits encore plus importants.

Début mars, le directeur parlementaire du budget (DPB) prévoyait que le déficit serait de 47,9 milliards $ pour l’exercice qui commence en avril en raison de recettes fiscales plus élevées que prévu.

Rebekah Young, directrice de l’économie fiscale et provinciale de la Banque Scotia, a déclaré que ses calculs aboutissaient à un résultat similaire et pourraient fournir une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour les promesses restantes de la plateforme libérale, que le DPB a estimées à 48,5 milliards $ sur cinq ans.

L’inflation à des sommets

Les libéraux ne reviendront probablement pas sur ces promesses, en particulier sur tout ce qui est lié aux efforts visant à combler un écart d’abordabilité du logement, a soutenu Mme Young, mais ils pourraient modérer les dépenses de crainte qu’elles ne soient perçues comme susceptibles d’accentuer les taux d’inflation déjà à des sommets jamais vus en trois décennies.

« Je pense qu’ils vont faire le minimum qu’ils peuvent pour tenir leurs promesses, mais sinon tenir la ligne, en reconnaissant ce qui se passe actuellement en matière d’inflation », a-t-elle déclaré.

Bien qu’ils constituent un problème pour les consommateurs, les taux d’inflation plus élevés stimulent les recettes fédérales.

Une augmentation de 1 % des taux d’inflation sur un an réduit le déficit d’environ 2 milliards $ par an, bien que cela puisse facilement être effacé par des taux d’intérêt plus élevés, que la Banque du Canada espère faire monter pour ramener l’inflation à son niveau cible.

La possibilité que les prix augmentent plus rapidement et plus longtemps est la raison pour laquelle le gouvernement et la banque centrale doivent mettre le frein sur les mesures de relance ou risquer d’enraciner une inflation plus élevée, a déclaré l’ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page, maintenant président de l’Institut d’études sur les finances publiques et la démocratie de l’Université d’Ottawa.

« Ce serait une erreur politique de la part du gouvernement de supposer qu’une inflation plus élevée que prévu créera une marge de manœuvre budgétaire supplémentaire qui pourrait être utilisée pour financer des programmes à plus long terme », a déclaré M. Page, citant les transferts pour les soins de santé, la garde d’enfants et un coup de pouce au budget de la défense.

La guerre en Ukraine

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a fait allusion à une augmentation des dépenses militaires, à la suite des mesures prises par les alliés de l’OTAN pour augmenter les budgets de la défense à 2 % de leurs économies nationales en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Le conflit a changé le monde depuis le moment au début février où le gouvernement sondait des économistes du secteur privé sur leurs perspectives pour aider à étayer les calculs budgétaires.

Les prix à la pompe et à l’épicerie grimpent maintenant de plus en plus à mesure que les prix mondiaux du pétrole et du blé augmentent.

« La guerre et les sanctions qui y sont liées ont un impact significatif sur les marchés des matières premières. Le monde est confronté à un choc d’approvisionnement post-pandémique. La croissance mondiale sera réduite. L’inflation sera plus élevée », a souligné M. Page.

Les risques et les incertitudes expliquent pourquoi Mme Young a déclaré qu’elle s’attend à ce que le budget soit conservateur dans ses perspectives économiques. Elle a dit qu’elle prévoyait d’examiner le niveau de détail fourni par le gouvernement sur ses réserves financières pour faire face à tout choc qui pourrait encore survenir.

Mme Freeland n’a pas encore annoncé de date de présentation du budget, mais il devrait être déposé avant la fin avril.

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