OTTAWA — Le gouvernement Trudeau ne lancera aucune action judiciaire pour contester la loi québécoise qui autorisera dès mercredi les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM), a indiqué lundi le ministre de la Santé, Mark Holland.
«Si vous agissez sur demande anticipée, le Code criminel est très clair: ce n’est pas légal», a-t-il du même souffle prévenu les médecins, lundi, bien qu’Ottawa convienne que l’administration de la justice relève des provinces.
Les procureurs du Québec ont justement eu pour directive de ne pas déposer de poursuites criminelles en lien avec un décès survenu dans le contexte de l’aide médicale à mourir ou de laisser une poursuite privée suivre son cours si la preuve démontre que cela a été prodigué dans le respect de volontés exprimées de façon libre et éclairée.
Dès mercredi, le Québec autorisera toute personne ayant un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude de consentir aux soins – l’alzheimer, par exemple – de formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir, en vertu de la nouvelle loi adoptée en juin 2023 par l’Assemblée nationale.
Faute d’une modification du Code criminel, les professionnels de la santé qui administrent l’aide médicale à mourir dans ce contexte commettent une infraction et risquent de se retrouver dans l’eau chaude advenant qu’un futur gouvernement conteste la loi et qu’elle soit invalidée par un tribunal.
Au Québec, le Collège des médecins, qui est favorable aux demandes anticipées pour les personnes avec un diagnostic de maladie neurodégénérative qui ne pourraient consentir plus tard à l’AMM, avait déploré qu’Ottawa traîne à modifier le Code criminel.
La recherche d’un consensus
Le gouvernement fédéral initiera également dès le mois prochain «une conversation nationale» dans l’espoir de trouver un consensus pour modifier le Code criminel. Un rapport devra être livré en mars prochain.
«Là où ces limites sont tracées et si le système est prêt ou non est une étape très importante», a expliqué le ministre Holland.
Durant ces consultations, la population canadienne aura l’occasion de s’exprimer. M. Holland discutera aussi avec les ministres de la Santé provinciaux, des experts et des professionnels de la santé.
À ses côtés, le lieutenant politique de Justin Trudeau pour le Québec, Jean-Yves Duclos, a expliqué que «le gouvernement canadien et le Parlement canadien ont besoin de plus de temps pour revoir le Code criminel».
Lors de la période des questions, lundi, le porte-parole du Bloc québécois en matière d’aide médicale à mourir, Luc Thériault, a rappelé avoir déposé au printemps dernier un projet de loi qui permet aux provinces qui sont prêtes à le faire d’aller de l’avant sans risques avec les demandes anticipées.
«Ça respecte le rythme des provinces. Ça respecte le personnel soignant. Ça respecte le droit des malades de disposer de leur propre corps et obtenir des soins. Ça fait un an et demi que le gouvernement se traîne les pieds. Quand va-t-il agir?», a-t-il lancé.
«Manque de courage»
Écoutant en retrait le point de presse des ministres fédéraux un peu plus tard, M. Thériault a accusé le gouvernement de manquer de «courage politique» et a dit craindre les conséquences de manquer vraisemblablement la prochaine échéance électorale.
«Puis, si eux décident de ne pas poursuivre, il y a une élection demain matin-là, a-t-il noté. Pensez-vous que le gouvernement conservateur va laisser faire ça alors que le gros noyau de ce parti-là c’est des fanatiques religieux?»
Il a d’ailleurs mis au «défi» le chef conservateur Pierre Poilievre de dire qu’il ne contestera pas la loi québécoise si sa formation politique prend le pouvoir.
M. Thériault s’explique mal pourquoi les libéraux multiplient les consultations alors qu’en 2021 ils ont mis sur pied un comité qui a entendu des experts et la population et qui a produit un rapport en février 2023.
«Conversation! Pendant ce temps-là, il y a des gens qui vivent des angoisses existentielles», a-t-il dit, visiblement découragé.