Présence de microplastiques dans le pénis: trop tôt pour s’inquiéter, dit un expert

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Présence de microplastiques dans le pénis: trop tôt pour s’inquiéter, dit un expert

MONTRÉAL — Il n’y a rien de vraiment étonnant à ce que des particules de micro et de nanoplastiques aient été retrouvées dans des pénis humains, estime un expert québécois qui prévient que leur présence ailleurs dans le système reproducteur est beaucoup plus inquiétante.

«Quand un homme a une érection, les corps caverneux se remplissent de sang», a dit le professeur Daniel G. Cyr, titulaire de la Chaire de recherche en toxicologie de la reproduction au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’Institut national de la recherche scientifique.

«Et comme on retrouve des particules de micro et de nanoplastiques dans le sang, ce n’est pas étonnant qu’elles aillent s’accumuler à cet endroit. La question, c’est de savoir si ça a un effet néfaste, et ça, c’est beaucoup moins clair.»

Les scientifiques trouvent des particules de micro et de nanoplastiques pratiquement partout où ils décident de chercher dans le corps humain, mais leur impact sur la santé demeure encore mal compris et doit être étudié plus en profondeur.

Par exemple, des chercheurs américains ont tout dernièrement rapporté dans la revue médicale IJIR: Your Sexual Medicine Journal avoir détecté des particules dans quatre des cinq échantillons de tissu pénien prélevés chez des hommes qui avaient subi une chirurgie pour un problème important de dysfonction érectile.

Sept types différents de microplastiques ont été détectés, le polyéthylène téréphtalate et le polypropylène étant les plus répandus. Les deux substances sont utilisées dans une multitude d’objets de la vie quotidienne.

«L’identification par cette étude de la présence de particules de microplastiques dans le tissu pénien soulève des questions impérieuses concernant leur influence potentielle sur la fonction érectile, compte tenu de leur association connue avec des effets indésirables localisés sur les tissus», écrivent les auteurs.

D’autres études publiées récemment ont aussi révélé la présence de particules de micro et de nanoplastiques dans les testicules et dans le sperme.

Numération des spermatozoïdes

La numération des spermatozoïdes est en chute libre depuis des décennies, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, et 40 % des cas de faible numération demeurent inexpliqués. Plusieurs études ont toutefois pointé le doigt en direction de la pollution chimique.

«Le plus inquiétant avec les plastiques est qu’ils vont souvent lier d’autres choses, d’autres polluants, des métaux lourds, des virus, des bactéries, a dit M. Cyr. Je pense que la diffusion de ces virus ou de ces bactéries est beaucoup plus inquiétante.»

On commence à disposer d’une littérature scientifique de plus en plus étoffée, a-t-il ajouté, qui démontre que les microplastiques peuvent avoir des effets néfastes au niveau du testicule et au niveau de la formation des spermatozoïdes. Cela étant dit, nous ne sommes pas encore en mesure de tirer des conclusions en ce qui concerne le pénis, a-t-il souligné: «Tout au plus, ça nous dit qu’il y a un problème».

D’autant plus que les niveaux de microplastiques qui ont été détectés dans le pénis ne sont pas si élevés que ça, a précisé M. Cyr. En revanche, les niveaux qui ont été mesurés, lors d’autres travaux, dans le testicule étaient plus élevés que ceux qui avaient été mesurés dans le placenta.

«Le pénis est un muscle, a ajouté M. Cyr. Ce n’est pas la même chose que les cellules germinales qui vont former les spermatozoïdes et qui sont beaucoup plus sensibles.»

De récentes données scientifiques soulèvent même l’hypothèse que les microplastiques puissent être transportés jusqu’aux organes par les cellules elles-mêmes, alors qu’on croyait jusqu’à présent que les particules profitaient de l’inflammation pour déjouer les barrières protectrices normales de l’organisme.

Cela voudrait dire que les barrières qui protègent, par exemple, le cerveau ou les testicules seront incapables d’empêcher l’entrée des microplastiques même si elles sont intactes, puisque les particules sont véhiculées par les cellules.

«Au niveau du pénis et des érections, les microplastiques c’est une chose, mais ce que transportent les microplastiques c’est autre chose, a dit M. Cyr. Ce n’est pas seulement la toxicité du plastique lui-même: c’est la toxicité de ce qu’il peut apporter avec lui. Et dans l’avenir, je pense que c’est ça qui va être la clé pour comprendre la toxicité des microplastiques.»

Les particules de micro et de nanoplastiques proviennent notamment de la dégradation d’articles de plastique plus gros. La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.

Ces particules sont tellement infimes qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine (par exemple, en franchissant la barrière intestinale) et se rendre directement aux organes. En plus d’avoir possiblement des propriétés cancérogènes, elles pourraient être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones.

Les humains sont exposés aux particules de micro et de nanoplastiques dans les environnements extérieurs et intérieurs par le biais des aliments, de la consommation de boissons, de l’air et de nombreuses autres sources, y compris les cosmétiques et les produits de soins personnels.

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