VICTORIAVILLE — «Il faut cesser collectivement de bourrer nos enfants, nos ados et nos aînés de pilules à la moindre occasion, au moindre débordement d’énergie, au moindre problème d’insomnie», a plaidé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, dimanche, à Victoriaville, lors d’un conseil national de son parti sur le thème de la santé.
Il faisait écho aux nombreux experts invités au conseil national qui ont évoqué avec une avalanche de statistiques les problèmes de surprescription, de surdiagnostic et de multiplication de traitements inutiles au Québec.
Entre autres, un aîné sur trois prend plus de 10 catégories de médicaments. Aussi, les remboursements pour les médicaments en santé mentale ont augmenté de 24 % chez les personnes de 30 ans et moins.
Ou encore, 30 % des tests, traitements et procédures sont inutiles au Canada, selon des statistiques de l’Institut canadien d’information en santé.
«Quand le nombre de personnes de jeunes médicamentés pour le trouble de déficit de l’attention au Québec est le double de la moyenne canadienne, est-ce que c’est normal», a demandé M. St-Pierre Plamondon dans son discours.
«Ce n’est pas d’être contre la médecine moderne, c’est de simplement faire l’observation que traiter avec des médicaments, c’est une chose, arriver à la santé de nos gens c’est autre chose», a-t-il fait valoir.
Le PQ n’est pas arrivé avec des propositions concrètes pour la réforme du système de santé, mais les échanges de ce conseil national devraient servir à l’élaboration du programme du parti pour le scrutin de 2026.
D’ailleurs, s’il prend le pouvoir en 2026, le PQ pourrait abolir l’agence Santé Québec, que le gouvernement caquiste mettra en place le 1er décembre.
Paul St-Pierre Plamondon a laissé entendre qu’il restait à être convaincu de la pertinence de cette agence.
La nouvelle agence dirigée par Geneviève Biron s’occupera de coordonner les activités du réseau de la santé.
«Tout est sur la table», a laissé entendre M. St-Pierre Plamondon, en mêlée de presse à Victoriaville, avant de prendre part au conseil national de son parti qui portait sur la santé.
«Observons à quoi sert Santé Québec pour prendre une décision par rapport à l’utilité de cette structure-là.»
Le chef péquiste craint notamment que cette agence puisse ainsi prendre les décisions difficiles, comme des compressions de 1 milliard $ qui ont été évoquées récemment, tandis que le ministre en profiterait donc pour s’en laver les mains et imputer la décision à l’agence.
«(Le gouvernement) n’a pas de réponse à donner parce que c’est Santé Québec, a-t-il déploré. Si ça sert de paravent pour des compressions sans que le ministre ait à répondre d’une décision qui est à proprement dite politique, moi, je demeure à être convaincu. Là, je ne suis pas convaincu.»
Le parti a choisi d’éviter un débat sur un enjeu épineux concernant cette agence.
Une proposition qui mandatait la commission politique d’étudier la possibilité de mettre en place un audit financier externe complet du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et de Santé Québec a été retirée.
Ce conseil national qui dure seulement une journée plutôt que les deux jours habituels et a rassemblé plus de 530 militants galvanisés par les récents sondages qui favorisent le parti.
Une proposition ajoutée à la dernière minute a fait débat.
Elle demandait à ce que les futurs candidats choisis par le parti adhèrent à la position pro-choix en matière d’avortement.
Elle a été adoptée, mais les opposants à cette mesure faisaient valoir que cela faisait déjà partie des engagements fondamentaux du parti et qu’à ce compte, on pourrait fixer un très grand nombre d’exigences aux futurs candidats.
Autre proposition adoptée: l’élargissement du régime de l’assurance-médicaments pour qu’il devienne universel. Actuellement, les personnes couvertes par le régime sont celles qui ne bénéficient pas d’un régime privé.
De plus, le parti s’engage à travailler avec les syndicats pour réduire les heures supplémentaires obligatoires.
De plus, les jeunes péquistes demandent de retirer des avantages fiscaux aux médecins, notamment leur droit de s’incorporer.
L’idée risque de heurter le corps médical, mais le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon s’est dit prêt à l’accepter dimanche.
La proposition des jeunes péquistes de mettre fin à l’incorporation des médecins avait déjà été lancée en débat par Bernard Drainville, avant sa carrière caquiste, alors qu’il était candidat à la direction du PQ.
Les médecins qui choisissent de s’incorporer en société le font pour épargner de l’impôt. En effet, le taux d’imposition des revenus des sociétés est moins élevé que celui des particuliers.
Dans sa proposition, l’aile jeunesse du PQ demande à la commission politique du parti de réviser en profondeur les avantages fiscaux dont disposent les médecins, en accordant la priorité au retrait de l’incorporation.
Les médecins perdraient donc des avantages financiers, ce qui n’est rien pour plaire aux fédérations médicales, mais le chef péquiste n’a pas semblé s’en inquiéter.
«On est un parti démocratique dont les décisions sont basées sur l’intérêt public», a répondu M. St-Pierre Plamondon en point de presse dimanche matin.
C’est Philippe Couillard qui, lorsqu’il était ministre de la Santé, avait permis en 2007 par voie de règlement aux médecins d’exercer en société, c’est-à-dire de s’incorporer.
Selon les plus récentes données obtenues par La Presse Canadienne du Collège des médecins, qui donne les autorisations à ses membres pour s’incorporer, pratiquement 6 médecins sur 10 (59,3 %) peuvent exercer en société.
Ainsi, au total, 15 646 médecins sont autorisés à être incorporés, dont 6586 médecins de famille, 8878 spécialistes et 182 médecins avec un permis «autre».
En février 2015, notait Radio-Canada, parmi les 22 552 médecins inscrits au Collège des médecins, 10 247 étaient incorporés, soit 45 %.