MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec a rejeté cette semaine la demande de financement public d’une société minière pour l’ouverture d’un projet minier lié au Pentagone.
Cette décision, selon Louis Saint-Hilaire, un citoyen qui a lutté contre l’ouverture du projet, reflète la volonté de plusieurs personnes qui vivent à proximité du site qui était proposé, dans la région des Laurentides.
«C’est une grande victoire pour nous, mais ce n’est pas une victoire totale», a-t-il déclaré, lors d’une entrevue mercredi.
Lomiko Metals, une société minière basée à Surrey, en Colombie-Britannique, veut exploiter du graphite – l’un des minéraux les plus recherchés au monde – sur un site près de Duhamel. Au départ, la principale crainte des résidents concernait les dommages potentiels à l’environnement.
Mais en mai, l’entreprise a annoncé avoir reçu une subvention de 11,4 millions $ du ministère de la Défense américain et de 4,9 millions $ supplémentaires de Ressources naturelles Canada pour étudier la conversion du graphite en matériau de qualité batterie pour alimenter les véhicules électriques. Des citoyens ont commencé à craindre que le graphite se retrouve dans des équipements militaires américains.
Malgré les investissements d’Ottawa et de Washington, la ministre des Ressources naturelles du Québec, Maïté Blanchette Vézina, a affirmé que le gouvernement provincial a décidé de ne pas appuyer Lomiko.
«Dans ce cas, la demande d’aide financière de l’entreprise (…) ne répondait pas aux critères actuels, notamment en matière d’acceptabilité sociale. Par conséquent, aucun financement n’a été accordé pour cette demande», a expliqué Mme Blanchette Vézina dans un communiqué.
En réponse, Lomiko s’est dite «surprise et déçue des commentaires négatifs adressés à Lomiko par des membres du gouvernement du Québec». Lomiko affirme que la province contredit ses propres plans de développement minier critiques et stratégiques.
Malgré ce revers, l’entreprise affirme maintenir le cap. «Nous allons poursuivre nos recherches soutenues par nos subventions et notre stratégie de développement responsable, comme toute autre entreprise soumise à la réglementation minière au Québec», a-t-elle déclaré.
Lomiko avait déjà annoncé qu’elle comptait commencer les travaux de construction d’ici 2027. Elle a également indiqué qu’elle mènerait des études de faisabilité et de métallurgie au cours des cinq prochaines années et qu’elle serait soumise à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Le maire de Duhamel, David Pharand, se dit lui aussi satisfait de la décision de Québec. Les résidents de Duhamel, l’une des cinq municipalités situées autour de la mine proposée, ont été maintenus dans un état d’anxiété et de stress quant à l’avenir de leur région, a-t-il affirmé.
Cet été, les cinq municipalités ont commencé à accélérer le processus de consultation publique dans le but de tenir un référendum sur l’appui des résidents au projet. La plupart des gens, a dit M. Pharand, sont contre la proposition de Lomiko, ajoutant qu’une mine mettrait en danger l’objectif de la ville de développer son industrie touristique et récréative.
M. Pharand soutient qu’il appartient maintenant à Lomiko de décider de la manière dont elle veut procéder, mais qu’un référendum pourrait encore avoir lieu plus tard si Lomiko ou toute autre entreprise intéressée par le graphite de la région décide d’aller de l’avant avec l’exploitation minière.
M. Saint-Hilaire croit que le vent a tourné le 10 septembre, lorsqu’un groupe local d’entrepreneurs a annoncé son opposition au projet, affirmant que la mine mettait en danger l’eau et les forêts de la région.
Rodrigue Turgeon, codirecteur national de l’organisation Mining Watch Canada, a qualifié ce développement de triomphe de la mobilisation citoyenne. Cependant, il estime que le fardeau d’exprimer l’acceptabilité sociale au Québec repose injustement sur les épaules des résidents, dans un contexte de règles et de réglementations floues sur la façon dont cette acceptabilité est mesurée.
«Pourquoi le gouvernement ne pose-t-il pas d’abord la question (de l’acceptabilité sociale) aux citoyens avant d’accorder le premier permis aux sociétés minières ?»
M. Turgeon estime que la Loi sur les mines du Québec doit être modifiée afin que les résidents et les peuples autochtones puissent avoir leur mot à dire avant l’octroi des permis d’exploration. «C’est pourquoi nous devons modifier la loi pour refléter la position des citoyens», a soutenu M. Turgeon. «C’est la seule façon de procéder si nous voulons éviter ces tensions», a-t-il ajouté.
Ressources naturelles Canada n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.