MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec a annoncé lundi plusieurs mesures qui touchent le programme de psychologie en enseignement supérieur. Il veut entre autres rehausser le nombre de stages et d’internats dans le réseau public, une denrée rare selon les universités.
Cette mesure et les trois autres annoncées lundi sont issues des recommandations du rapport du Groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie et en santé mentale, présidé par Hélène David.
Dans ce rapport de 180 pages, qui a été déposé en avril 2023, Mme David adresse une lettre à la ministre l’Enseignement supérieur, Pascale Dery. Elle fait valoir que les besoins des Québécois pour des services en santé mentale se sont accrus, notamment en raison de la pandémie de COVID-19. «La capacité de nos systèmes publics de santé, de services sociaux et d’éducation a été mise à rude épreuve», pointe Mme David. Pour améliorer la situation, des changements sont de mise dans le réseau de l’enseignement supérieur, indique-t-elle.
D’emblée, l’Ordre des psychologues du Québec accueille favorablement les nouvelles mesures. Sa présidente, Christine Grou, rappelle que l’Ordre a soumis un rapport en février 2023 à Mme David et que le groupe de travail a «repris l’essentiel» de ses recommandations.
Le rapport mentionne que toutes les universités rencontrées qui offrent des programmes de doctorat en psychologie font face à une «difficulté grandissante» pour trouver des places d’internats dans le réseau public de la santé et des services sociaux. «Cette situation semble d’ailleurs exacerbée pour l’année 2023-2024, l’offre d’internats étant, selon les universités, diminuée par rapport aux années précédentes», indique le rapport, qui contient 18 recommandations.
On soulève qu’une baisse de l’offre de stages peut faire en sorte que les universités qui interdisent les internats dans le secteur privé (ce qui est le cas de la majorité des établissements) seront forcées d’accepter que les étudiantes accomplissent leur internat, en partie ou en totalité, dans le système privé.
Pour faire face à cet enjeu, Québec annonce lundi des mesures pour mieux valoriser le travail des psychologues-superviseurs. Il souhaite ainsi augmenter le nombre de stages et d’internats dans le réseau public. Selon un communiqué du cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, les mesures permettront d’augmenter de 11,7 % le nombre d’internats pour 2024-2025.
Une importante partie de la formation d’un docteur en psychologie se fait dans les milieux cliniques. «C’est cette portion-là pour laquelle on était inquiet, indique Mme Grou. Le fait d’avoir une valorisation des superviseurs du réseau public et une reconnaissance de leur travail — ça fait longtemps que c’est demandé — est une excellente nouvelle. Avec Mme David, on avait insisté là-dessus. Cette quatrième mesure est importante et je suis contente qu’on ne l’ait pas oubliée.»
Exode vers le privé
«Ce qui s’est passé dans les dernières années, c’est qu’on a vu un exode des psychologues du réseau public vers le privé pour deux raisons. Parce que les conditions salariales étaient insuffisantes et parce que les conditions d’exercice s’étaient beaucoup détériorées», a soutenu Mme Grou.
Québec rappelle que dans la dernière année une augmentation salariale de 17,4 % sur cinq ans a été négociée et que les psychologues bénéficient d’une majoration additionnelle de 10 %. Une prime de rétention de 6,5 % est aussi prévue pour ceux qui travaillent dans le réseau public à temps plein.
«Pour les conditions d’exercice, on avait travaillé avec le ministère [de la Santé] sur les conditions pratiques des psychologues dans le réseau de la santé. Je ne sais pas quelles ont été les conséquences de ces travaux, j’espère que ça s’améliore, a déclaré Mme Grou. Chose certaine, au niveau salarial, il y a eu de bonnes nouvelles et j’espère sincèrement que ça sera suffisant parce que pour moi, il y a un enjeu d’accès aux services psychologiques dans le réseau public.»
Un doctorat moins long
Parmi les autres mesures annoncées, certains étudiants se réjouiront d’une réduction de la durée des études du doctorat en psychologie.
Dans un communiqué, Mme Dery et le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, ont expliqué qu’en révisant les exigences liées au projet de recherche et avec un meilleur encadrement des étudiants, il serait possible de diminuer la durée des études du doctorat en psychologie.
«Je pense que toutes les universités et l’Ordre des psychologues, on s’entend sur le fait qu’il ne faut pas faire de compromis sur la qualité de la formation des étudiants. Former les étudiants en beaucoup moins de temps avec les mêmes compétences qu’on a actuellement, ce n’est pas possible», explique Mme Grou.
Selon elle, pour réduire les délais, il faut passer par l’encadrement des étudiants. Par exemple, une université pourrait décider d’avoir plus de rencontres régulières avec les étudiants, s’assurer que tous les cours qui doivent être suivis sont disponibles en temps opportun ou encore avoir un retour plus rapide à la suite des remises de travaux scolaires.
Le gouvernement provincial annonce également un financement de plus 2,6 millions $ pour soutenir 24 projets visant à optimiser les formations universitaires et à créer des programmes passerelles ou des programmes courts qualifiants, qui verront le jour d’ici l’automne 2025.
«Les programmes en cours de révision et les nouveaux à venir, dont les programmes courts et passerelles, viendront assurément garantir un meilleur accès aux services de première ligne en santé mentale pour toute la population québécoise», a commenté Mme Dery par voie de communiqué.
Pour bonifier les cohortes au doctorat clinique en psychologie et augmenter le nombre de bourses offertes aux internes en psychologie, le gouvernement investit également 1,8 million $ pour cette année scolaire ainsi que 2 millions $ annuellement pour la prochaine rentrée scolaire jusqu’à celle de 2028-2029.
Par ailleurs, deux nouveaux programmes de doctorat en psychologie clinique sont offerts cet automne par l’Université Bishop’s et l’Université du Québec à Rimouski. Ensemble, ces deux programmes permettront de former 26 étudiants de plus.
La mise en œuvre des recommandations du rapport se poursuivra dans les prochains mois et les initiatives déjà implantées par les universités seront analysées.
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