MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec veut mettre fin aux déversements illégaux dans la communauté mohawk de Kanesatake, au nord-ouest de Montréal, après des mois de couverture médiatique et d’appels des dirigeants locaux pour que les autorités prennent des mesures.
Mardi, le ministère de l’Environnement a annoncé avoir commencé à inspecter les sites et à recueillir des échantillons de sol le long des rives du lac des Deux-Montagnes, où des camions ont déversé des sols potentiellement contaminés.
La pollution dans la région pourrait affecter l’habitat des poissons, et l’objectif de Québec est d’identifier et de prendre des mesures contre les responsables, a déclaré le gouvernement.
Les amendes pour les déversements illégaux, qui durent depuis des années selon les résidants, pourraient atteindre 1 million $ pour un particulier et 6 millions $ pour une entreprise.
«J’espère que ces entreprises le ressentiront et que cela les empêchera de déverser et de détruire notre communauté», a plaidé le grand chef du Conseil Mohawk de Kanesatake, Victor Bonspille, lors d’une entrevue. «Cela fait maintenant quatre ans que nous demandons aux gouvernements fédéral et provincial de prendre le contrôle de ces déversements illégaux dans notre communauté.»
Au cours des derniers mois, les médias ont attiré l’attention sur les entreprises qui ont envoyé des camions entiers de terre provenant de chantiers de construction autour de Montréal vers des décharges non autorisées à Kanesatake, souvent juste à côté du rivage.
M. Bonspille a affirmé que certains membres de la communauté ont accepté de l’argent en échange de l’entreposage de la terre sur leur propriété, souvent parce qu’ils sont dans une situation financière difficile.
Il a ajouté qu’il était moins coûteux pour les entreprises de déverser la terre à Kanesatake que de la traiter correctement. «Ils conduisent des heures juste pour venir déverser leur substance illégale plutôt que de l’apporter dans une installation appropriée», a-t-il rapporté.
Depuis que le problème a commencé à faire les manchettes, a avancé M. Bonspille, le trafic de camions dans la région a diminué de façon spectaculaire, jusqu’à 70 %. Mais il est frustré qu’il ait fallu autant de temps au gouvernement pour agir et croit que l’enquête n’a lieu que maintenant, parce que les dirigeants non autochtones du village voisin d’Oka ont commencé à s’exprimer.
«Il m’a fallu quatre ans pour me plaindre et écrire des lettres à la province et aux ministres fédéraux au nom de mon bureau et des membres de ma communauté qui en ont assez de cette situation, a-t-il dénoncé. C’est malheureux que cela soit tombé dans l’oreille d’un sourd. »
Frédéric Fournier, porte-parole du ministère de l’Environnement, a indiqué que le gouvernement avait commencé à se pencher sur la question après avoir reçu des rapports de membres de la communauté l’automne dernier.
La crainte d’un coup d’épée dans l’eau
Le maire d’Oka, Pascal Quevillon, a témoigné qu’il y avait encore environ 10 camions à l’heure qui circulaient sur les terres de Kanesatake. Depuis l’augmentation de l’attention médiatique, a-t-il dit, plusieurs d’entre eux n’ont plus de marqueurs d’identification; il est donc impossible de savoir à quelle entreprise ils appartiennent.
La circulation des camions s’est poursuivie mardi matin, même pendant que l’opération gouvernementale était en cours, a relaté M. Quevillon. Il craint que l’enquête ne donne pas de résultats et que la province ne soit pas en mesure de prouver quelles entreprises sont responsables du déversement de déchets contaminés.
«Il y a tellement d’entreprises qui viennent déverser leurs déchets ici qu’il sera impossible de savoir qui a déversé ses déchets à un endroit précis», a-t-il déploré.
M. Quevillon craint qu’il n’y ait pas de «résultats concrets» tant que les différents niveaux de gouvernement n’auront pas pris la responsabilité du problème, qu’il a comparé à un «no man’s land» juridique.
M. Bonspille a dit souhaiter que les représentants des gouvernements fédéral et provincial s’assoient avec les dirigeants de Kanesatake et proposent une solution à long terme. La communauté mohawk n’a pas les ressources nécessaires pour régler le problème seule, a-t-il plaidé.