Sommet de la Francophonie: le volet économique sera «le plus important», dit Biron

Michel Saba, La Presse Canadienne
Sommet de la Francophonie: le volet économique sera «le plus important», dit Biron

PARIS — Québec estime que le volet commercial sera «le plus important» de la participation du premier ministre François Legault au Sommet de la Francophonie, vendredi et samedi, au terme d’un séjour en France où il mènera, dès mardi, une «mission économique».

«Sur le plan économique, je dirais que c’est l’aspect le plus important de notre mission», a déclaré la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Martine Biron, en entrevue avec La Presse Canadienne alors qu’elle était questionnée spécifiquement sur les objectifs du sommet.

Poursuivant son raisonnement, Mme Biron, qui est du voyage, a expliqué que le Québec, s’il veut prospérer, a intérêt à accentuer ses échanges commerciaux avec les nombreux pays d’Europe et d’Afrique qui veulent diversifier leur chaîne d’approvisionnement. «Puis, évidemment, on préférerait faire affaire avec des amis, alors c’est toujours plus facile de faire affaire en français», a-t-elle noté.

Le 19e Sommet de la Francophonie se tiendra au château de Villers-Cotterêts, en banlieue de Paris, ainsi que dans la Ville Lumière au Grand Palais. L’événement rassemble chaque deux ans les chefs d’État et de gouvernement membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), la seule organisation internationale où le Québec siège de manière autonome et parle de sa propre voix. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a d’ailleurs indiqué qu’il sera présent.

Le numérique et la découvrabilité des contenus francophones en ligne sont des priorités du Québec lors de la rencontre.

«Quand on ouvre Netflix au Québec, ce qui apparaît, c’est du contenu anglophone, a expliqué la ministre Biron. En France, quand on ouvre Netflix, c’est du contenu francophone. Quand on va au Brésil, on ouvre Netflix, c’est du contenu portugais. Alors il faut que notre langue soit connue et qu’on puisse notamment, rapidement, avoir un produit francophone.»

Le gouvernement mettra aussi l’accent sur la promotion de la langue française, le renforcement de la «francophonie économique» et la jeunesse.

Québec entend également faire un travail de coulisse pour rallier les pays de la francophonie à l’idée d’intégrer les contenus numériques dans la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO.

Changement de cap?

Le Québec opère-t-il effectivement un changement de cap dans sa relation avec la France afin de mettre davantage l’accent sur le commerce? «Non, s’est empressé de répondre Mme Biron. Je pense que tout va ensemble: le culturel, c’est aussi de l’économique».

Et la relation du Québec avec la France ne sera «jamais» uniquement économique, a-t-elle déclaré. «C’est im-pos-sible! On partage une langue, une culture spécifique. Les Québécois sont intéressés à la culture française et les Français sont intéressés à la culture québécoise.»

La politique internationale du gouvernement caquiste dévoilée il y a cinq ans donne néanmoins la priorité absolue à l’économie dans les relations du Québec avec l’étranger. La prédécesseure de Mme Biron, Nadine Girault, avait d’ailleurs expliqué à l’époque que «le focus» des délégations du Québec à l’étranger serait mis sur la diplomatie économique, alors qu’il s’exerçait jusqu’alors une diplomatie d’«influence», plus politique.

En amont du sommet, M. Legault prévoit rencontrer de mardi à jeudi des «personnalités politiques et économiques», a indiqué son cabinet, qui a refusé de préciser ce qui est à l’agenda. Ses objectifs principaux sont d’accroître les échanges commerciaux, de consolider les liens entre les entreprises québécoises et françaises, et de promouvoir la culture québécoise et la langue française.

Jeudi, M. Legault sera à Paris où il prendra part au forum économique FrancoTech, a appris La Presse Canadienne. L’événement rassemblera des entrepreneurs francophones, dont des Québécois. Il vise à promouvoir l’innovation en français, à renforcer l’espace économique francophone et à favoriser les rencontres d’affaires.

Pour le porte-parole libéral en matière de relations internationales et de francophonie, André A. Morin, il est important que le gouvernement maintienne «un équilibre» entre la relation culturelle et économique qu’il entretient avec la France.

«Il ne faut pas que, à mon avis, la prédominance de la mission soit économique, a-t-il affirmé. Et le Québec a tissé des liens privilégiés avec la France depuis des décennies. Et, bien sûr, il y avait un volet économique, mais il y avait aussi un volet culturel hyper important.»

M. Morin a dit souhaiter que des discussions se tiennent sur la place du français sur les plateformes numériques et dans l’intelligence artificielle.

Au Parti québécois, aussi, on se désole que de se concentrer sur la question économique devienne la «marque de commerce» du gouvernement Legault, a déclaré leur porte-parole en matière de Francophonie, Pascal Paradis.

«La question de la diplomatie, dans son sens large, elle est importante, a-t-il insisté. Et on voit un peu ce que ça donne comme résultat quand le président Emmanuel Macron vient (la semaine dernière) au Québec et que c’est le Canada et Justin Trudeau qui occupent le haut du pavé.»

Les deux hommes politiques ont tous deux fait référence à la doctrine Gérin-Lajoie — largement considérée comme la pierre angulaire de la politique internationale du Québec — qui prévoit que les provinces peuvent conclure des accords sur la scène internationale dans les domaines qui relèvent de leurs champs de compétence prévus dans la constitution canadienne.

«Ce qu’on veut, c’est que le Québec utilise au maximum les leviers qui sont à sa disposition actuellement pour projeter ses propres compétences à l’échelle internationale, avoir des discussions de haut niveau sur l’ensemble des sujets, occuper toute la place sur les questions politiques», a dit M. Paradis.

Des responsables de Québec solidaire ont indiqué avoir pris note de notre demande d’entrevue, mais n’y ont pas donné suite.

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