OTTAWA — Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, est passé à l’offensive, jeudi, en tentant de tourner en ridicule les prétentions des conservateurs sur le répit que permettrait l’abolition des taxes fédérales sur l’essence cet été.
Lors de la période des questions à la Chambre des communes, M. Guilbeault a affirmé qu’il faudrait qu’une famille albertaine roule pas moins de 37 000 kilomètres durant ses vacances pour économiser les «955 $» que lui fait miroiter le Parti conservateur du Canada.
«Alors vous pourriez partir de Montréal, aller à Mexico, revenir à Montréal, retourner à Mexico, revenir à Montréal, retourner à Mexico, revenir à Montréal et retourner à Mexico. Puis vous auriez encore des kilomètres», a-t-il lancé en déplaçant chaque fois son bras de droit à gauche pour imiter l’aller-retour sous les rires de ses collègues.
M. Guilbeault y est allé de nombreux autres exemples pour illustrer que, selon lui, les conservateurs proposent «de la bouillie pour les chats» et que «les mathématiques ce n’est pas (leur) fort».
Détaillant son calcul, il a expliqué qu’il faudrait que cette même famille brûle durant les mois d’été 3293 litres d’essence avec son véhicule qui consomme 8,9 litres aux 100 kilomètres. Ce niveau représente la consommation du «véhicule moyen du Canada», selon les données de l’Agence internationale de l’énergie qui datent de 2017.
«Vous pourriez partir du pôle Nord, vous rendre au pôle Sud et vous pourriez presque retourner jusqu’au pôle Nord», s’est amusé M. Guilbeault.
Semblant pris au dépourvu, le leader adjoint à la Chambre des conservateurs, Luc Berthold, dont le parti mène une croisade contre la tarification du carbone, a dit ignorer où les libéraux «prennent leurs chiffres», suggérant qu’ils les «inventent encore une fois, comme d’habitude».
«On sait très, très bien, nous, que les Québécois qui vont payer à la pompe à chaque semaine vont voir la différence sur leur facture quand ils vont arriver à la fin du mois. Ça, c’est la réalité. Les Québécois (…), les mathématiques des libéraux, ils les comprennent très, très bien. Ça prend trop d’argent dans leurs poches», a-t-il dit.
Quelques minutes plus tôt, dans un échange avec l’ancien chef conservateur Andrew Scheer qui demandait aux libéraux de faire preuve d’«une once de compassion» afin que les familles puissent s’offrir des vacances abordables cet été, le ministre Guilbeault a noté qu’il faudrait que la famille roule «pendant 10 jours, sans arrêt» pour parcourir ces 37 000 kilomètres.
«Vous aviez deux semaines de vacances, il vous resterait deux jours, voire trois pour profiter de vos vacances», a résumé le ministre Guilbeault.
Il y a deux semaines, le chef conservateur Pierre Poilievre avait lancé sa campagne pour réclamer qu’Ottawa suspendre les taxes fédérales sur le carburant de la Journée nationale des Patriotes à la fête du Travail, afin d’offrir aux automobilistes une «pause estivale» de «l’inflation de Justin Trudeau».
Il affirmait à ce moment-là que cela permettrait de diminuer le prix de l’essence de «35,6 cents par litre en moyenne».
Or, la taxe d’accise sur l’essence est de 10 cents par litre, celle sur le carbone de 17,6 cents par litre et la TPS revient à 1,4 cent par litre, pour un total de 29 cents par litre.
Sur X (anciennement Twitter), M. Poilievre soutenait que sa proposition de «gros bon sens» permettrait des économies de 955 $ aux familles de l’Alberta, 860 $ à celles de la Saskatchewan, 682 $ à celles de la Colombie-Britannique, 650 $ à celles de Terre-Neuve-et-Labrador, 603 $ à celles du Manitoba et 592 $ à celles de l’Ontario.
Sa liste s’arrêtait là, mais dans un communiqué de presse accompagnant l’annonce, il chiffrait à 670 $ les économies de la famille canadienne moyenne cet été.
Appelé à préciser la méthode de calcul des conservateurs, le cabinet de M. Poilievre a expliqué à La Presse Canadienne que, pour ce qui est de la tarification du carbone, il prend plutôt en compte son «coût fiscal et économique brut».
Celui-ci s’élève à 1674 $ en Ontario pour l’année, nous a-t-on affirmé en se basant sur un rapport du Directeur parlementaire du budget. Et puisque la mesure couvrirait 29 % de l’année, soit les 105 jours de la pause estivale évoquée, la formation considère que de supprimer le prix sur la pollution permettrait à cette famille d’économiser 485 $.
Quant à la taxe d’accise et la taxe de vente fédérale, les conservateurs prétendent qu’elles totalisent 18 cents par litre. En estimant qu’une famille consomme en moyenne 2050 litres d’essence dans l’année, celle-ci en utiliserait 595 durant la pause estivale, soit 107 $.
Au début avril, le prix de la tonne de carbone est passé de 65 $ à 80 $, soit une hausse de 3,3 cents le litre. Il doit augmenter annuellement de 15 $ la tonne pour atteindre 170 $ la tonne en 2030. La mesure ne s’applique pas au Québec et en Colombie-Britannique. Les deux provinces ont leur propre système pour imposer un prix sur la pollution.
– Avec des informations de Stéphane Blais, à Montréal