QUÉBEC — Le gouvernement a les moyens de payer le projet de 15 milliards $ de transport en commun proposé pour la région de Québec par la Caisse de dépôt et placement (CDPQ), a laissé entendre mercredi le ministre des Finances, Eric Girard.
Même le gouvernement fédéral a fait savoir mercredi qu’il est prêt à faire sa part dans le financement, mais la Coalition avenir Québec (CAQ) refuse de promettre une première pelletée de terre d’ici à la fin du mandat en 2026.
Dans son rapport rendu public mercredi matin, la CDPQ propose ainsi un tramway au coût de 7 milliards $, un troisième lien dédié au transport en commun sans voie routière estimé à 4 milliards $, ainsi que des voies réservées et un SRB évalués à 4,5 milliards $.
«On a des moyens financiers qui sont considérables, on a une bonne cote de crédit, on a un bon bilan, puis gouverner, c’est faire des choix, et oui, on a les moyens, si ce sont ces décisions qui sont prises», a fait valoir M. Girard, en mêlée de presse avant de se rendre à la séance du conseil des ministres.
Le premier ministre François Legault a refusé de répondre aux questions, mais fera connaître la position officielle du gouvernement jeudi après-midi.
«Je suis très positif par rapport au rapport et au professionnalisme du rapport», a pour sa part affirmé le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien.
Pour quand?
Le gouvernement amorcera-t-il officiellement le chantier dans son mandat actuel?
«Moi je ne promets pas de pelletée de terre, je promets, en fin de compte, qu’on ait un rapport sur lequel bâtir», a répondu celui qui est aussi député de Charlesbourg, dans la région de Québec.
Les conclusions de la Caisse sont pourtant en porte-à-faux par rapport aux positions historiques de la CAQ, car le rapport «ne préconise pas la réalisation d’un nouveau lien routier interrives».
Or, le parti a toujours promu un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis – en plus du pont Pierre-Laporte et du pont de Québec donc – jusqu’à ce que le gouvernement annonce l’abandon de son engagement au printemps 2023, mais le réactive à la suite de sa défaite électorale dans la circonscription de Jean-Talon.
La ministre Martine Biron, qui est députée de la région de Chaudière-Appalaches, où les appuis pour un nouveau lien autoroutier sont concentrés, a d’ailleurs voulu garder une porte ouverte.
Transport routier
En effet, elle a rappelé que dans un passage du rapport, des parties prenantes ont émis à la Caisse des préoccupations quant à la sécurité et la redondance des ponts existants, puisqu’une réduction de la capacité sur le pont Pierre-Laporte aurait des impacts sur le transport des marchandises.
«C’est le seul lien autoroutier, le pont Pierre-Laporte, qui prend le transport lourd, alors il faut faire la réflexion» sur la nécessité d’un troisième lien autoroutier, a-t-elle évoqué.
La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, s’était elle-même emparée de cet enjeu mardi, avant même la sortie du rapport, en disant, dans une publication sur le réseau X, qu’il était «irresponsable de n’avoir qu’un seul lien permettant le transport de marchandises dans l’Est du Québec».
«Attention, ce n’est pas ce que la Caisse de dépôt dit dans son rapport», a riposté le député péquiste de Jean-Talon, Pascal Paradis, en point de presse mercredi.
«Il ne faut pas recommencer à politiser», a-t-il poursuivi, en accusant la CAQ d’avoir perdu six ans en tergiversations.
Ouverture d’Ottawa
Le gouvernement fédéral, qui a souvent signifié son opposition à un troisième lien routier, n’a pas mis de temps à répliquer mercredi. Ottawa vient d’acheter le pont de Québec au Canadien National et est prêt à corriger les lacunes de cet ouvrage pour le passage des camions lourds.
«Il s’agirait de baisser un peu le tablier», a indiqué le ministre fédéral Jean-Yves Duclos, en mêlée de presse à Ottawa.
Il a aussi laissé entendre que son gouvernement allait financer le projet de mobilité présenté par la Caisse.
«Évidemment, ça nous donne des raisons d’aller plus vite pour le financement d’un transport en commun moderne dans la région de Québec», a dit le ministre Duclos, qui est député de la circonscription fédérale de Québec.
À l’origine, Ottawa s’était engagé à financer 40 % des coûts du projet de tramway, mais c’était avant que la facture explose.
Duhaime
Ardent partisan d’un nouveau lien autoroutier entre Québec et Lévis et opposant féroce au projet de tramway, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, a quant à lui rejeté le rapport de la Caisse.
Dans une mêlée de presse, il a soutenu que la population veut un troisième lien autoroutier et s’oppose au tramway et qu’il faut donc lui donner ce qu’elle veut.
«Il y a un mépris démocratique fondamental et un mépris de la population», a-t-il dit.