MONTRÉAL — Les initiatives pour endiguer la crise du logement se multiplient. Et si certaines solutions existaient déjà, et ce, à coût nul? C’est le pari qu’ont pris trois organisations spécialisées en urbanisme ayant décidé de se concerter et de créer le Laboratoire pour l’abordabilité du bâti (LAB).
Le fruit de cette concertation entre Vivre en ville, l’Arpent et l’UTILE vise à encourager le développement de propriétés à but non lucratif pour soustraire les logements à la spéculation.
«L’immobilier à but non lucratif a un rôle essentiel à jouer dans le maintien de l’abordabilité du secteur résidentiel, estime Adam Mongrain, directeur de l’habitation pour Vivre en ville. Ce n’est pas par malice ou mesquinerie, mais pour maintenir ses profits, le secteur lucratif va constamment sous-produire des unités par rapport à la demande réelle pour s’assurer que l’offre soit inférieure.»
Selon lui, bon nombre de chantiers sont actuellement repoussés en attendant un contexte plus favorable aux promoteurs, et ce, même si le déficit d’unités de logement actuel est «monstrueux».
Essentiellement, le LAB émet des recommandations pour la plupart fondées sur un traitement réglementaire préférentiel des projets d’habitation à but non lucratif pour encourager leur multiplication partout au Québec.
«En fait, on mise sur l’innovation réglementaire au bénéfice du logement abordable. Ce sont des solutions concrètes qui peuvent être très techniques, mais qui consistent principalement en des révisions du cadre réglementaire municipal actuel, et donc qui peut se faire à coût nul ou très faible pour les gouvernements de proximité», indique Laurent Lévesque, directeur général de l’UTILE, une entreprise d’économie sociale offrant des logements abordables à une clientèle étudiante dans plusieurs villes québécoises.
«On ne peut pas se permettre l’économie de ne pas se demander quels leviers les municipalités disposent déjà et qui pourraient être mis à profit dans des solutions», ajoute-t-il.
Déjà, sept pistes de solutions sont mises de l’avant par cette coalition qui pense en dehors de la boîte. On propose entre autres une révision du processus d’approbation référendaire pour en exclure les projets d’habitation abordable, tels que les propriétés gérées par des offices municipaux d’habitation ou les coopératives d’habitation, pour ne nommer que celles-là.
L’idée d’adopter un zonage différencié pour les immeubles locatifs à but non lucratif, le traitement accéléré des projets d’habitation abordable et le financement des projets abordable par la densité pour encourager la construction de plus de logements figurent aussi parmi les pistes de réflexion avancées par le LAB, qui s’inspire de mesures déjà en place ailleurs sur le continent ou même au Québec, et qui pourraient profiter à d’autres municipalités.
«Ce qu’on veut, c’est donner les coudées franches au secteur non lucratif pour lui permettre de jouer pleinement son rôle sur le marché», explique M. Mongrain.
«Et si on réussit à rendre leur construction avantageuse et intéressante, on est d’avis que ça va mobiliser tous les joueurs du secteur immobilier et que plusieurs promoteurs choisiront cette avenue», dit-il.
En utilisant tous les leviers possibles pour bonifier et diversifier l’offre de logements abordables, les instigateurs du LAB sont d’avis qu’une sortie de crise est non seulement possible, mais aussi durable.
«Ce qui compte dans le logement à but non lucratif, c’est le résultat final. Une fois construits, ils échapperont à une logique spéculative. C’est ainsi qu’on pourra se sortir de la crise du logement et se prémunir contre les crises futures», estime M. Lévesque.
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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.