OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau a lancé une attaque en règle contre le chef conservateur en révélant qu’il a demandé aux services de renseignements d’informer Pierre Poilievre «autant bien qu’ils peuvent, (…) peut-être des noms» sur les enjeux d’ingérence étrangère qui touchent à ses élus, malgré que celui-ci refuse de demander une cote de sécurité.
«Avec sa décision inexplicable du chef conservateur de ne pas obtenir sa cote de sécurité, il est en train de mettre à risque des Canadiens, incluant de ses propres députés», a expliqué M. Trudeau dans la Chambre des communes, mercredi.
Le premier ministre a affirmé que de protéger les Canadiens est «une des responsabilités fondamentales» de tous ceux qui siègent aux Communes et qu’il est essentiel que M. Poilievre soit en mesure de «protéger mieux ses députés».
Il y a deux semaines, M. Trudeau avait révélé devant la commission d’enquête publique sur l’ingérence étrangère qu’il connaissait les noms de parlementaires et de candidats du Parti conservateur, passés et actuels, qui sont liés à de l’ingérence étrangère.
Le premier ministre avait par ailleurs précisé que des parlementaires d’autres partis, y compris des libéraux, avaient également été pointés du doigt.
Le questionneur questionné
Lors de la période des questions, les rôles se sont inversés alors que M. Trudeau s’est mis à interroger inlassablement le chef conservateur pendant près d’une heure.
«Pourquoi le chef de l’opposition a-t-il choisi de ne pas obtenir d’habilitation de sécurité alors qu’il est question de la sécurité de ses propres députés?», a-t-il demandé.
M. Poilievre lui a répondu que le premier ministre craint pour sa «sécurité politique» alors que des libéraux tentent de lui montrer la porte, et qu’«il essaie donc désespérément» de changer le sujet.
«S’il veut divulguer les noms, il peut le faire légalement maintenant à la Chambre des communes», a également prétendu le chef conservateur.
Son équipe a indiqué à La Presse Canadienne que M. Poilievre base ses affirmations sur les dires d’anciens fonctionnaires ayant travaillé dans le domaine de la sécurité nationale à l’effet que le premier ministre est également habilité, dans le cadre de ses fonctions, à déclassifier des informations s’il le juge nécessaire
«En septembre de l’année dernière, le premier ministre s’est levé à la Chambre des communes pour divulguer légalement au public canadien des informations classifiées sur le meurtre de Hardeep Singh Nijjar», a noté Marion Ringuette, une porte-parole du chef conservateur.
M. Trudeau avait en fait déclaré à l’époque que les agences de sécurité se sont penchées activement sur des allégations crédibles voulant qu’il y ait un lien possible entre des agents du gouvernement de l’Inde et le meurtre de ce citoyen canadien.
Elle a également mentionné que le gouvernement a divulgué des informations secrètes au député conservateur Michael Chong lorsqu’un média a révélé qu’il pourrait avoir été ciblé par la Chine. Cela aurait été fait à titre de «mesure de réduction de la menace», en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
«Ils choisissent de partager des informations classifiées lorsque c’est à leur avantage et ils mentent, détournent l’attention et dissimulent les faits lorsque ce n’est pas le cas», a affirmé Mme Ringuette.
«Mettre en danger les sources»
En Chambre, M. Trudeau s’est d’abord réjoui que son adversaire aborde le sujet dont il voulait discuter. «Ok! Maintenant, on obtient quelque chose», a-t-il lancé.
«Malheureusement, il est prêt à mettre en danger les agents, les officiers, les sources qui mettent leur vie en danger pour assurer la sécurité des Canadiens, a poursuivi M. Trudeau. Il y a une raison pour laquelle nous ne divulguons pas d’informations classifiées dans des endroits où nos adversaires nous surveillent.»
Lors des échanges subséquents, M. Poilievre a ignoré les questions et est revenu à ses attaques sur des sujets divers.
«C’est fascinant de voir jusqu’où le chef conservateur ira pour éviter le sujet de la sécurité nationale, pour éviter le sujet de la sécurité des Canadiens, pour éviter le sujet de l’ingérence étrangère», a renchéri M. Trudeau.
Les refus du chef conservateur «pour des raisons inexplicables, politiques, enfantines, qui sait quelles raisons» sont «irresponsables», a-t-il tranché.
Selon M. Poilievre, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) permet au gouvernement d’avertir les Canadiens de risques spécifiques d’ingérence étrangère sans l’obliger à prêter un «serment de confidentialité» ni «contrôler ce qu’il dit».
Pierre Poilievre est désormais le seul chef d’un parti politique représenté à la Chambre des communes à ne pas avoir obtenu sa cote de sécurité.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, l’a obtenue mercredi dernier, a indiqué son équipe, et ceux du Nouveau Parti démocratique et du Parti vert du Canada en sont munis depuis plusieurs mois.