MONTRÉAL — Imaginez si vous alliez vivre dans un pays étranger, que vous suiviez des cours pour apprendre la langue qui y est parlée et que, dans le cadre de ces cours, on discutait avec vous de films de ce pays qui en reflètent les couleurs, qu’on vous présentait des bandes annonces et finalement qu’on vous emmenait les voir dans un cinéma pour en discuter ensuite avec des gens de la place.
C’est là, en quelques mots, la nature du projet «Voir le cinéma québécois, c’est l’adopter» lancé par l’Association des cinémas parallèles du Québec (ACPQ), qui répondait ainsi à un appel à projet de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) visant à élargir l’auditoire du cinéma québécois.
Le projet cible les groupes et les classes de francisation et d’alphabétisation à travers le Québec.
«On a pensé aux nouveaux arrivants, parce que l’immigration est importante au Québec et souvent on manque de ressources, on manque de moyens. On s’est dit que si on mettait nos membres à contribution, qu’on faisait une sélection de films, qu’on développait pour chacun de ces films un cahier d’accompagnement et qu’on allait chercher des groupes qui travaillent en francisation, en alphabétisation, avec les réfugiés, le cinéma pourrait devenir un facteur important, un élément intéressant d’intégration sociale», explique le coordonnateur du projet, Éric Perron, en entrevue avec La Presse Canadienne.
12 films: un choix déchirant
Les organisateurs ont ainsi sélectionné 12 films québécois en se fixant quelques balises orientées dans un esprit d’intégration. «On ne voulait pas aller dans les classiques du cinéma québécois, même si c’est important de les découvrir, mais on voulait montrer la société actuelle. Donc ces gens-là arrivent dans la société et voici du cinéma qui représente la société québécoise d’aujourd’hui.»
Évidemment, préparer une telle liste implique des choix déchirants, mais là encore on s’est donné quelques critères. «Ce sont des films d’auteur. On voulait des documentaires, on voulait deux ou trois films sur la culture autochtone. C’était important pour nous aussi que 50 % des films soient réalisés par des femmes, parce que c’est la réalité du cinéma au Québec», poursuit-il.
Les 12 fils choisis sont: Antigone, Avant les rues, Godin, Le goût d’un pays, Jeune Juliette, Jour de merde, Le meilleur pays du monde, Nadia Butterfly, Nin e Tepueian: mon cri, Solo, Une colonie et Vampire humaniste cherche suicidaire consentant.
Présenter des angles de vue multiples
Éric Perron explique qu’on visait un juste milieu entre le cinéma de divertissement et le film d’auteur trop pointu. «On voulait quand même leur présenter des films assez accessibles tout en leur offrant de réels angles de lecture de la société québécoise, que ce soit la diversité, que ce soit le deuil, l’adolescence, l’identité. On a l’identité, évidemment, avec Godin et Le goût d’un pays. Il y a aussi des films intéressants, comme Antigone. On aborde la question des immigrants et comment ils sont reçus dans la société québécoise avec Le meilleur pays du monde. On a une belle diversité de titres et assez de choix pour satisfaire les gens.»
Un cahier d’accompagnement de huit pages a été produit pour chaque film, permettant aux organismes de faire des choix de titres éclairés, de préparer le visionnement et d’offrir des pistes de discussion pour des échanges après les projections.
Échanges avec le public local
Justement, ces échanges risquent d’être animés avec l’ajout d’un public local. «Plusieurs séances seront ouvertes au public. Ce qui est très intéressant, c’est que s’il y a des discussions après le film, peut-être que les nouveaux arrivants vont avoir envie de commenter, de dire comment ils ont accueilli ce film, ce sujet, alors que peut être que des gens qui sont ici depuis très longtemps vont donner un autre avis. Il y a un échange culturel qui se fera automatiquement», avance M. Perron.
L’initiative sera portée par les ciné-clubs de l’Association des cinémas parallèles de 33 villes allant de l’Abitibi-Témiscamingue à l’Estrie et de l’Outaouais à la Gaspésie, au Saguenay et à la Côte-Nord en passant, évidemment, par l’ensemble des zones urbaines de la Vallée du Saint-Laurent car, bien que l’on pense d’abord à Montréal lorsqu’il est question de nouveaux arrivants, il y a des classes de francisation à travers la province: «En fait, il y a plus de classes de francisation au Québec qu’il va y avoir de lieux pour accueillir le projet, note M. Perron. Malheureusement, je n’ai pas des membres dans chaque ville, dans chaque village. Mais si on peut desservir un maximum de classes qui sont près de nos membres, tant mieux», fait-il valoir.
Certains, parmi les cinéastes, seront présents pour la présentation, le visionnement et la discussion entourant leur film. Certaines présentations ont déjà eu lieu ou sont sur le point de se produire à Rouyn-Noranda, à Montréal, à Saint-Jean-sur-Richelieu, Terrebonne et Saint-Félix-de-Valois.