Un virage s’amorce dans les pratiques anesthésiques pour réduire les GES en santé

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Un virage s’amorce dans les pratiques anesthésiques pour réduire les GES en santé

MONTRÉAL — Dans le but de réduire l’empreinte carbone dans le réseau de la santé, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) recommande de changer de produits anesthésiques lors des chirurgies.

L’anesthésie générale consiste à endormir le patient, entre autres avec un gaz inhalé, avant une opération chirurgicale. Selon les travaux de l’INESSS, il n’y aurait aucun impact sur le déroulement de l’anesthésie selon le choix du gaz halogéné. En conséquence, il préconise l’anesthésie au sévoflurane et l’élimination «sauf en cas de situations très exceptionnelles» de l’usage du desflurane.

Le choix d’un agent anesthésique se fait selon sa performance clinique et son profil d’innocuité, qui sont définis notamment par sa diffusibilité et sa puissance. L’anesthésie au desflurane a une empreinte carbone environ 40 fois plus élevée qu’une anesthésie au sévoflurane lorsqu’on tient compte de sa puissance et du potentiel de réchauffement global sur 20 ans (PRG20).

«En 2023, même si le nombre d’heures d’anesthésie générale associées au desflurane ne représentait que 3 % du nombre total d’heures d’anesthésie associées aux agents halogénés, celui-ci a engendré 51 % des tonnes d’équivalent CO2 associés à ces agents», écrit l’INESSS dans son avis.

Dans un contexte environnemental, des anesthésiologistes remettent de plus en plus en question l’utilisation du desflurane et du protoxyde d’azote en raison de leur empreinte carbone élevée.

Le protoxyde d’azote est un gaz porteur qui peut être utilisé lors de l’anesthésie. Il a une durée de vie de 109 ans dans l’atmosphère. Ce gaz peut accélérer la vitesse d’induction et le réveil du patient, mais son utilisation serait pratiquement abandonnée, selon l’INESSS, qui recommande la fermeture des systèmes centralisés de distribution de protoxyde d’azote en cessant l’alimentation des canalisations. Il conseille aussi de ne pas impliquer ce type de système dans les plans de construction des futurs hôpitaux.

Le virage des pratiques dans le réseau de la santé s’est déjà amorcé au Québec. Le nombre de bouteilles de desflurane fournies aux blocs opératoires a diminué d’environ 80 % entre 2019 et 2023.

La proportion d’heures d’anesthésie par inhalation avec le desflurane est passée de 16 % en 2019 à 3 % en 2023, selon les calculs de l’INESSS. Cela a permis de passer de l’équivalent de 31 959 tonnes de CO2 en 2019 à 5948 tonnes en 2023, produit par cet agent anesthésique.

Par ailleurs, le remplacement progressif du desflurane par le sévoflurane pourrait permettre des économies de 204 400 $ sur trois ans. Dans un courriel transmis à La Presse Canadienne, l’INESSS dit être confiant d’un approvisionnement sécuritaire avec trois fournisseurs potentiels de sévoflurane. «Le risque de pénurie absolue de ce produit est faible», écrit-il, ajoutant qu’il existe d’autres méthodes d’anesthésie générale et locorégionale par voie intraveineuse.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a confié à l’INESSS le mandat de formuler des recommandations sur les meilleures pratiques cliniques à mettre en place pour diminuer l’empreinte carbone de l’anesthésie générale par inhalation sans compromettre la sécurité des soins. Le ministère a fait cette requête à la suite d’une demande de l’Association des anesthésiologistes du Québec.

Au Québec, le secteur de la santé génère 3,6 % des émissions de GES de la province. De ce pourcentage, 3 % proviendraient de l’usage de médicaments par inhalation dans le traitement des maladies pulmonaires chroniques et des gaz anesthésiants utilisés principalement au bloc opératoire.

Malgré un impact plutôt minime sur l’émission globale des GES au Québec, les changements de produits anesthésiques contribueront à l’objectif du ministère de la Santé de verdir les pratiques au bloc opératoire, et plus largement d’atteindre la carboneutralité au Québec d’ici 2050.

Pour arriver à des résultats concrets, l’INESSS estime que le ministère de la Santé devrait retirer le desflurane de la liste provinciale des médicaments pour les établissements.

Les hôpitaux et autres installations devraient retourner progressivement les évaporateurs et cassettes compatibles avec le desflurane d’ici la fin des contrats de location en vigueur. Les établissements auraient aussi intérêt à se doter d’un plan d’action pour réduire l’empreinte carbone des gaz anesthésiques, notamment en suivant la consommation des agents anesthésiques inhalés et en compilant les raisons médicales justifiant le recours exceptionnel au desflurane.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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