Une base de données retrace plus de 2100 décès en détention au Canada depuis 2000

Sarah Smellie, La Presse Canadienne
Une base de données retrace plus de 2100 décès en détention au Canada depuis 2000

SAINT-JEAN, N.L. — L’âge moyen des personnes décédées dans un établissement correctionnel canadien au cours des deux dernières décennies était de 44 ans, selon une base de données lancée vendredi par une équipe dirigée par un criminologue d’Ottawa.

L’ensemble de données Tracking (In)Justice répertorie plus de 2100 décès de personnes en détention au Canada, toutes causes confondues, au cours des 24 dernières années. Il a été compilé à partir de rapports médiatiques, de données provinciales et de plus de 20 demandes d’accès à l’information, a indiqué Alexander McClelland, professeur agrégé de criminologie à l’Université Carleton et chercheur principal du projet.

«Nous n’avons pas la peine de mort au Canada, donc toute personne incarcérée mérite la dignité, mérite l’accès aux droits de la personne, mérite l’accès aux soins de santé, a rappelé M. McClelland dans une entrevue. Les informations sur les décès en détention sont souvent cachées au public, et pourtant, il existe des raisons systémiques pour lesquelles des décès continuent de se produire.»

L’ensemble de données consultables en ligne comprend des hommes et des femmes décédés dans des prisons provinciales et fédérales, ainsi que dans des établissements correctionnels pour jeunes. Le projet inclut également les décès survenus en détention psychiatrique. Les contrevenants sont généralement envoyés dans des établissements fédéraux s’ils ont été condamnés à deux ans ou plus de prison.

Certaines provinces procèdent automatiquement à des enquêtes du coroner sur les décès survenus en prison et publient les résultats, y compris la cause du décès. D’autres provinces, dont la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, ne le font pas.

En parcourant les rapports du coroner disponibles, Alexander McClelland et son équipe ont découvert qu’au moins 910 décès étaient «potentiellement évitables». Parmi ceux-ci, 452 étaient des suicides et 299 des surdoses.

L’âge moyen de 44 ans au moment du décès en détention se contraste à l’espérance de vie moyenne des Canadiens de 81 ans en 2022, selon Statistique Canada.

«Ce n’est pas un âge normal pour mourir», a déclaré Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard, dans un communiqué de presse annonçant le projet. «Ces données nous indiquent que de nombreux décès en détention ne sont pas dus à des causes naturelles, mais aux conditions de détention.»

Les données recueillies par La Presse Canadienne montrent qu’il y a eu 91 décès dans les prisons provinciales du pays en 2023. Cela inclut quatre à Terre-Neuve-et-Labrador, où un père poursuit le gouvernement provincial pour la mort de son fils, Seamus Flynn, au pénitencier de Sa Majesté à St. John’s en décembre.

La poursuite de Jerome Flynn allègue que son fils a été battu par des gardiens de la prison et qu’il n’a pas reçu de soins médicaux lorsqu’il en avait besoin. Les allégations n’ont pas été vérifiées devant les tribunaux et la province a déclaré qu’elle ne pouvait pas commenter les questions juridiques.

Le Bureau de l’enquêteur correctionnel agit en tant qu’organisme de surveillance indépendant du système pénitentiaire fédéral, mais il y a rarement une surveillance indépendante des prisons provinciales.

«Nous n’avons pas de surveillance ni de responsabilité au niveau provincial, a indiqué M. McClelland. Personne n’est chargé de le faire de manière cohérente, et cela signifie qu’il n’y a pas d’organisme qui surveille ces institutions pour les obliger à rendre des comptes. Les Canadiens pourraient penser qu’il en existe un, mais ce n’est pas le cas.»

Alexander McClelland faisait partie d’une équipe qui a recommandé à l’Ontario de mettre en place une surveillance indépendante de ses établissements correctionnels dans le cadre d’une enquête publique l’année dernière sur le décès de Soleiman Faqiri au Centre correctionnel du Centre-Est, une prison provinciale à Lindsay, en Ontario, en 2016.

Le chercheur soutient que chaque province devrait avoir un tel organisme.

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