Une contestation judiciaire a été déposée à la loi sur l’aide médicale à mourir

La Presse Canadienne
Une contestation judiciaire a été déposée à la loi sur l’aide médicale à mourir

OTTAWA — Un homme qui dit souffrir de problèmes de santé mentale chroniques et qui s’aggravent fait partie de ceux qui lancent une contestation judiciaire de la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir, qui exclut les personnes souffrant uniquement d’un trouble mental.

Une requête déposée par l’organisation Mourir dans la dignité, devant la Cour supérieure de l’Ontario lundi, soutient qu’il est discriminatoire d’interdire aux personnes atteintes de troubles mentaux d’être admissibles à l’aide médicale à mourir (AMM) alors qu’elle est accessible aux personnes qui souffrent physiquement.

L’organisation demande au tribunal d’annuler immédiatement l’exclusion liée à la santé mentale.

Le plaignant, John Scully, a témoigné que le recours au tribunal était son dernier espoir. Aucun médicament, traitement ou thérapie n’a soulagé le trouble de stress post-traumatique dont souffre l’ancien correspondant de guerre, ainsi que la dépression et l’anxiété. Tous sont aggravés par le manque de sommeil.

«Au cours des 36 dernières heures, j’ai dormi quatre heures, a-t-il rapporté dans une récente entrevue. Et le sommeil est pollué par des cauchemars méchants et vicieux.»

À 83 ans, M. Scully a affirmé que son état s’aggrave de jour en jour, non seulement mentalement, mais aussi physiquement.

«Je pense qu’il m’incombe de secouer la cage autant que je peux, de dire, non pas “regardez-moi”, mais “regardez-nous”. Pour l’amour de Dieu, faites quelque chose», a-t-il plaidé.

M. Scully dit que le manque de sommeil dont il souffre aggrave sa condition mentale et d’autres maladies, le faisant vivre dans la peur constante de se suicider. Il a déjà tenté de s’enlever la vie à deux reprises.

«Je connais l’horreur et le chagrin que cela cause aux survivants. Le suicide est une horreur, vraiment horrible, pour ceux qui restent», a-t-il dit.

Droits violés

L’organisme Mourir dans la dignité, M. Scully et une autre plaignante, Claire Elyse Brosseau, soutiennent que l’exclusion des personnes atteintes de santé mentale viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui stipule que les personnes ont droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.

«Il n’existe aucune justification constitutionnelle à la prolongation des souffrances persistantes et intolérables des Canadiens admissibles à l’AMM, à l’exception de l’exclusion liée à la maladie mentale», indiquent les documents.

Le dossier soutient que les personnes atteintes de troubles mentaux graves et incurables ont été privées de leur sécurité, forcées à endurer des souffrances prolongées et de la liberté de prendre la décision profondément personnelle de mettre fin à leurs jours.

Le droit à l’égalité devant la loi est également violé, soutient Mourir dans la dignité.

Reports et inquiétudes

Le gouvernement libéral a adopté sa loi sur l’aide médicale à mourir en 2016 et l’a mise à jour après qu’une décision d’un tribunal inférieur du Québec en 2019 a jugé inconstitutionnel d’exiger que la mort d’une personne soit raisonnablement prévisible pour la rendre admissible.

En 2021, le gouvernement a adopté une autre loi mise à jour qui comprenait un amendement du Sénat visant à supprimer l’exclusion pour ceux qui souffrent uniquement d’un trouble mental. Les sénateurs à l’origine de l’amendement avaient fait valoir que l’exclusion était discriminatoire.

Les personnes atteintes de troubles mentaux intolérables devaient initialement pouvoir être évaluées pour une mort assistée à partir de mars 2023. Des mois avant l’entrée en vigueur du changement, le gouvernement a annoncé qu’il légiférerait un délai d’un an pour donner aux cliniciens plus de temps pour se former.

À l’approche de la date limite de mars 2024, un comité parlementaire mixte de sénateurs et de députés a tenu des audiences sur l’élargissement prévu, qui ont révélé de profondes divisions sur la question entre les lignes juridiques et médicales, et qui ont recommandé un autre report.

Le gouvernement libéral a annoncé en février qu’il retarderait l’élargissement prévu du régime d’aide médicale à mourir à 2027, citant les préoccupations des provinces quant à leur état de préparation et les questions en suspens des psychiatres sur la façon dont les cliniciens pourraient déterminer si la maladie mentale d’une personne peut être guérie.

Les partisans de l’élargissement se sont opposés à ce retard, affirmant que du matériel de formation avait été élaboré et que les cliniciens qui évaluent déjà les patients pour une mort assistée ont déclaré qu’ils étaient prêts.

À l’époque, le ministre de la Santé, Mark Holland, avait réitéré la position du gouvernement selon laquelle la souffrance mentale est équivalente à la souffrance physique et avait déclaré s’attendre à ce que les provinces se préparent.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a promis d’abandonner complètement l’expansion si son parti forme le gouvernement lors des prochaines élections.

Un manque de volonté politique dénoncé

Helen Long, la PDG de Mourir dans la dignité Canada, a déploré de devoir se tourner vers les tribunaux pour forcer le gouvernement à promulguer sa propre loi. Elle estime que les retards sont dus à un manque de «volonté politique».

Elle a ajouté que son organisation avait entendu des personnes et des familles parler des difficultés causées par les retards répétés.

«Le fait qu’ils aient été obligés d’attendre, puis qu’on leur ait promis, encore et encore, c’est ce qui fait qu’il est si difficile pour eux de continuer à se battre et d’attendre une évaluation, a-t-elle témoigné. Ils ont le droit de pouvoir présenter une demande.»

Mme Long prévoit que le processus judiciaire sera long, mais a indiqué que le fait de l’avancer ouvrirait la porte à des personnes comme M. Scully pour être évaluées une fois qu’elles auront été entendues.

Les bureaux de M. Holland et de son collègue ministre de la Justice, Arif Virani, n’ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

– Avec des informations de Laura Osman

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