Une étude confirme les périls du sucre en début de vie

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Une étude confirme les périls du sucre en début de vie

MONTRÉAL — Moins un enfant consomme de sucre pendant les premiers mois de sa vie, plus il réduit son risque de souffrir de diabète de type 2 et d’hypertension plus tard, montre une étude originale à laquelle a participé une chercheuse montréalaise.

La professeure Claire Boone, une spécialiste de la santé publique au département d’économie de l’Université McGill, et ses collègues ont examiné ce qui s’est produit au Royaume-Uni quand le sucre a été rationné dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale.

Le rationnement a pris fin en septembre 1953, ce qui a permis aux chercheurs de comparer la situation «avant» et la situation «après».

«Cela a créé des conditions dans lesquelles des personnes sont nées à quelques mois d’intervalle, mais ont connu des niveaux d’exposition au sucre très différents en fonction de leur date de naissance, par rapport au rationnement», a précisé la professeure Boone.

En étudiant quelque 60 000 personnes nées entre 1950 et 1956, ils ont constaté que le risque de diabète était 15 % plus bas, et celui d’hypertension 5 % plus bas, chez les individus conçus avant cette date, mais nés après, comparativement aux individus conçus et nés après septembre 1953.

Ce sont toutefois les individus âgés d’au moins 18 mois lorsque le rationnement a pris fin qui s’en tiraient le mieux, avec un risque de diabète 40 % inférieur et un risque d’hypertension 20 % inférieur aux individus qui n’avaient jamais été soumis au rationnement.

Et pour les personnes malgré tout devenues diabétiques ou hypertendues, «l’âge d’apparition de la maladie est retardé de plusieurs années, ce qui est aussi un effet assez important», a dit la professeure Boone.

Le rationnement a limité la consommation de sucre à des niveaux conformes aux recommandations diététiques actuelles, mais la consommation a presque doublé immédiatement après le rationnement, font remarquer les auteurs de l’étude.

Le sucre n’est bien évidemment pas la seule denrée à avoir été rationnée pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais elle est la seule dont la consommation a explosé dès que le rationnement a pris fin, poursuivent-ils.

Plusieurs études animales ont constaté une association entre le sucre et le diabète de type 2 et d’autres problèmes de santé. Les preuves claires sont plus difficiles à obtenir chez l’homme, puisqu’il est difficile d’étudier des personnes de l’utérus à la vieillesse et de départager l’effet du sucre de celui d’autres facteurs liés à l’alimentation ou au mode de vie.

Le rationnement au Royaume-Uni présentait donc une occasion unique de réaliser une étude comme celle-ci, dont les conditions seraient essentiellement impossibles à reproduire – pour différentes raisons pratiques ou éthiques – dans la vie de tous les jours.

Il est très difficile d’étudier les régimes alimentaires, a rappelé la professeure Boone. Puisque nous consommons de nombreux ingrédients en même temps, il est très rare qu’une étude comme celle-ci permette d’isoler un seul ingrédient et de voir comment il influe spécifiquement sur notre santé. Elle cite en exemple les multiples études conflictuelles publiées sur les bienfaits et/ou les dangers de la consommation de café et vin.

Mais «comme le rationnement (du sucre) a pris fin il y a très longtemps, nous pouvons non seulement voir comment il affecte notre santé, mais aussi comment il l’affecte à long terme», a-t-elle dit.

Les mécanismes en jeu ne sont pas entièrement clairs. Il est possible qu’une exposition au sucre in utero prédispose ensuite le bébé à différents problèmes métaboliques. Ou encore, les bambins qui consomment beaucoup de sucre pourraient continuer à le faire à l’âge adulte.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le prestigieux magazine Science.

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