TORONTO — Les filets de poisson pêchés le long de la rive de Toronto contiennent jusqu’à 12 fois plus de microplastiques par portion que certaines options couramment retrouvées en magasin, selon une étude récemment publiée.
Alors que les scientifiques tentent encore de déterminer si les microplastiques présentent un risque direct pour la santé humaine, une étude coécrite par des chercheurs de l’Université de Toronto et du ministère de l’Environnement de l’Ontario examine comment les pneus de voiture et d’autres plastiques se dégradent en minuscules particules pour finir dans les poissons – et sur les tables à manger.
«Le nombre élevé de particules observé dans les poissons de la baie de Humber souligne la nécessité d’une surveillance géographique à grande échelle, particulièrement à proximité des sources de microplastiques», indique l’étude.
Les microplastiques, dont la taille peut aller de celle d’une mitochondrie jusqu’à celle d’une efface à crayon, sont devenus omniprésents, se retrouvant partout, du sang humain à la glace de la mer Arctique. Chez les poissons, ces morceaux de plastique décomposés ont été associés à des niveaux de croissance et de reproduction plus faibles, parmi d’autres problèmes.
Les chercheurs ont examiné un total de 45 poissons capturés dans la baie de Humber, là où la rivière Humber se jette dans le lac Ontario, le long du secteur riverain de Toronto.
Les microplastiques se sont révélés, dans différentes tailles et concentrations, dans une moyenne de 138 particules par poisson, un résultat bien plus élevé que les moyennes rapportées dans d’autres études. Le même laboratoire de recherche de l’Université de Toronto a, par exemple, trouvé en moyenne 17 particules par poisson dans le lac Simcoe.
Madeleine Milne, coauteure de la dernière étude, a estimé que les résultats montraient à quel point la pollution par microplastique est devenue un «problème environnemental envahissant».
«Il est temps pour nous de commencer à réfléchir à la manière dont nous allons résoudre ce problème, que ce soit par l’entremise d’une politique visant à réduire les plastiques à usage unique, en réfléchissant à des solutions environnementales pour nettoyer les microplastiques, ou par d’autres types de solutions de ce genre», a déclaré Mme Milne, qui a mené l’étude dans le cadre de sa thèse de premier cycle en parcours préparatoire à l’Université de Toronto, avec la professeure Chelsea Rochman.
«Pire scénario» en matière de contamination
Malgré la contamination, l’étude n’a trouvé aucune preuve que des microplastiques s’accumulaient dans le corps des poissons à mesure qu’ils vieillissent.
«Je pense que c’est prometteur. Je pense que nous devons simplement comprendre pourquoi cela se produit», a indiqué Mme Milne, qui est maintenant étudiante diplômée à l’Université du Manitoba.
Les auteurs notent que les résultats représentent probablement le «pire scénario» en matière de contamination des poissons d’eau douce. En effet, ils ont examiné à la fois l’intestin et le filet des poissons, alors que les études se limitent souvent à l’intestin, et ils ont capturé les poissons dans une partie du lac connue pour être très polluée.
Mme Milne, qui a également récemment coécrit une étude sur les microplastiques dans les aliments courants achetés en épicerie, affirme que le poisson de la baie de Humber contenait environ neuf à douze fois plus de microplastiques par portion de filet que pour celui d’une goberge d’Alaska peu transformée. Selon l’étude, le nombre de particules par gramme de filet de poisson provenant de la baie, soit environ 0,5, se situe toujours dans la fourchette identifiée par l’examen systématique d’autres études portant sur les microplastiques dans les fruits de mer.
Les filets sont loin d’être une source courante d’exposition aux microplastiques pour les humains, note l’étude. Les auteurs ont estimé qu’une personne consommant deux portions de filets de poisson de la baie de Humber par semaine ingérerait environ 12 800 particules par an, contre environ 90 000 particules par an pour de l’eau en bouteille.
Lindsay Cahill, dont la recherche visant à déterminer si l’exposition humaine aux microplastiques a des conséquences négatives sur la grossesse est soutenue par le gouvernement fédéral, a qualifié l’étude publiée mercredi «d’étape importante».
«Nous commençons à obtenir des chiffres réels afin que nous puissions examiner quel est le degré d’exposition chez l’humain et ensuite décider s’il est nocif ou non», a poursuivi Mme Cahill, professeure agrégée à l’Université Memorial de Terre-Neuve.
Mais, note-t-elle, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si, et dans quelle mesure, cette exposition est réellement nocive.
Parmi les cinq Grands Lacs, le lac Ontario est celui où les microplastiques sont les plus concentrés, selon un rapport environnemental du vérificateur général de l’Ontario publié l’année dernière.
Dans une déclaration envoyée par courrier électronique, un porte-parole du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario a déclaré qu’il étudiait les microplastiques présents dans les poissons afin de fournir «des informations de base pour aider à comprendre le degré de préoccupation à mesure que les informations sur les risques deviennent disponibles».