Unilingues anglophones à l’APF: «complètement légitime», dit Boissonnault

Michel Saba, La Presse Canadienne
Unilingues anglophones à l’APF: «complètement légitime», dit Boissonnault

OTTAWA — Le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, juge «légitime» que des élus anglophones deviennent membres de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), au moment où bon nombre de ses collègues ont rempli leur formulaire d’inscription pour empêcher la destitution du député franco-ontarien Francis Drouin du poste de président.

«S’ils ont des gens qui parlent français dans leur comté, c’est complètement légitime. Et regarde, tous les organismes qui sont des groupes interparlementaires sont ouverts à tous les membres», a-t-il déclaré mercredi en mêlée de presse à son arrivée à la réunion du caucus libéral.

Le ministre a plaidé qu’il a été membre de ParlAmericas, un regroupement d’assemblées législatives de l’Amérique du Nord, centrale et du Sud, et des Caraïbes, et qu’il y avait «des gens qui ne parlaient pas l’espagnol».

Or, l’APF rassemble des parlementaires qui ont en commun leur langue et non l’emplacement de leur parlement d’appartenance sur la surface du globe.

Les statuts de la section canadienne de l’APF précisent que «tout sénateur ou député» peut en être membre. Il n’est pas requis qu’ils parlent français.

M. Drouin, qui occupe non seulement la présidence de la section canadienne de l’APF, mais qui est également président à l’échelle internationale, est dans l’embarras depuis plus de deux semaines pour avoir traité des témoins qui militent pour la protection du français d’«extrémistes» et de «pleins de marde».

Le député était en désaccord avec l’interprétation des données exposées par les témoins devant le comité des langues officielles sur l’influence qu’a la fréquentation d’une université ou un cégep anglophone sur l’anglicisation.

Les libéraux se sont mobilisés massivement dans les derniers jours pour venir à la rescousse de leur collègue, si bien que le nombre de parlementaires membres de la section canadienne de l’APF a presque doublé depuis que le Bloc québécois a rassemblé suffisamment de signatures pour convoquer une assemblée générale extraordinaire où il entend déposer une motion visant à montrer la porte à M. Drouin.

Jusqu’à ce moment, les libéraux étaient minoritaires dans l’organisation et le résultat du vote semblait écrit dans le ciel étant donné que les conservateurs, les bloquistes et les néo-démocrates avaient perdu confiance en M. Drouin.

Le sujet a rebondi à la période des questions, alors que le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a demandé au premier ministre s’il entend «faire croire aux francophones que c’est par amour du français qu’ils (les libéraux) vont noyauter» la réunion de l’APF.

«Les francophones à travers le pays, y compris ceux au Québec, savent très bien que le Bloc québécois ne s’intéresse pas au sort du français en dehors du Québec. C’est pour ça qu’ils veulent faire du Québec leur propre pays pour bien protéger le français», lui a répondu Justin Trudeau.

Ne faisant ni une ni deux, M. Blanchet a sauté sur l’occasion pour saluer «cet élan de lumière», jugeant exact que «la meilleure affaire qui puisse arriver au français au Québec, au Canada et en partie à travers le monde, c’est un Québec indépendant».

À son arrivée à la Chambre des communes, le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, a expliqué qu’il voit clair dans le jeu des libéraux. «Dans notre jargon politique, on appelle ça «paqueter la salle», a-t-il lancé. C’est pas chic mais c’est légal.»

Appelé à donner son propre avis sur la présence d’unilingues anglophones à l’APF, le député Francis Drouin a proposé à la presse parlementaire de demander aux élus qui sont à «spinner» les journalistes s’ils ont des collègues francophones membres d’une «association qui ne parle pas français» comme celle Canada—Royaume-Uni ou du Commonwealth.

Selon les libéraux, M. Drouin a fait une erreur en employant un langage grossier, mais il s’est excusé et demeure un militant pour la cause francophone. Ils implorent leurs collègues de passer à autre chose pour débattre des enjeux de fond.

Chez les conservateurs, le porte-parole en matière de langues officielles, Joël Godin, déclarait lundi que la tactique des libéraux pour influencer le résultat du vote démontre que pour eux «un chum, c’t’un chum» et qu’«ils sont prêts à tout pour sauver le soldat Drouin».

Tous les partis d’opposition réclament que non seulement Francis Drouin ne soit plus président de l’APF, mais également qu’il ne siège plus au comité des langues officielles.

L’assemblée générale extraordinaire de la section canadienne de l’APF doit se tenir jeudi à 18 h 30. Au moment de publier, La Presse Canadienne était incapable de déterminer les modalités de la réunion étant donné que la greffière a refusé de répondre aux questions par téléphone lorsqu’elle a été jointe.

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