À sa 25e saison, Infoman est devenu un passage obligé pour les politiciens

Maura Forrest, La Presse Canadienne
À sa 25e saison, Infoman est devenu un passage obligé pour les politiciens

MONTRÉAL — Dans une entrevue réalisée il y a près de 25 ans, Jean-René Dufort, disait avoir peur de son ombre.

À l’époque, il venait de lancer «Infoman», une nouvelle émission satirique qui s’est transformée au fil des ans en un rendez-vous télévisuel quasi obligatoire pour les mordus de l’actualité.

L’émission est célèbre pour son ton irrévérencieux. Personne n’est épargné par son humeur caustique, pas même les premiers ministres ou le pape. Jean-René Dufort a interviewé tout le monde, de Justin Trudeau à François Legault, de Jane Fonda à Sarah Palin. Ses coups d’éclat sont légendaires, notamment lorsqu’il s’était pointé au baptême du fils de Céline Dion, déguisé en mage et accompagné d’un chameau.

Mais la nervosité est toujours présente.

Jean-René Dufort raconte qu’au début les rencontres impromptues avec les politiciens le terrorisaient. C’est le plaisir qu’il ressentait après celles-ci qui l’encourageait à continuer.

Vingt-cinq ans plus, rien n’a vraiment changé. «Je suis toujours nerveux, lance-t-il à La Presse Canadienne. Chaque fois que tu me vois cinq minutes avant dans le camion, je n’ai plus le goût de sortir. C’est peut-être ça qui fait que c’est drôle.»

Âgé de 56 ans, Jean-René Dufort ne prétend pas connaître les secrets derrière le succès de son émission. Mais il cherche à explorer les limites entre le journalisme et le divertissement.

Son humour est vraiment distinct. Un jour, il a offert à Justin Trudeau les mémoires de l’actrice porno Stormy Daniels dédicacés d’un conseil sur l’art de traiter avec Donald Trump avec qui elle aurait eu des relations sexuelles. Elle avait écrit: «apportez une raquette et votre sens de l’humour.»

Il n’existe aucun tabou pour «Infoman». Dans un segment sur le récent voyage en Asie du pape François, Dufort a mis le son d’un camion qui reculait sur des images montrant le pape en train de reculer sur son fauteuil roulant. Il a dit que François était le Taylor Swift des bonnes sœurs.

«Il y a des affaires qu’on peut faire ici qu’on ne pourrait peut-être pas faire ailleurs», concède l’animateur.

Et puis il y a l’audience.

Sa désormais traditionnelle revue de fin d’année attire environ trois millions de téléspectateurs.

C’est sans doute à cause de cette forte popularité que Jean-René semble avoir accès aux coulisses du pouvoir à Ottawa et à Québec d’une façon à rendre jaloux les journalistes politiques. Au cours des dernières années, Justin Trudeau, François Legault et Pierre Poilievre ont accepté d’être gentiment moqués à l’émission de fin d’année. Il y a quelques années, une des invités était la mannequin américaine Tyra Banks.

Jean-René Dufort ne croit pas non plus qu’il exerce une forte influence sur le paysage politique au pays. «C’est le politicien qui a la clé du reportage. S’il a eu l’air brillant, je vais m’arranger pour qu’il ait l’air brillant. S’il a l’air niaiseux, je vais m’arranger pour qu’il ait l’air niaiseux.»

Une place méritée

Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, juge que Jean-René Dufort a eu à mériter sa place dans le star-system québécois.

Il rappelle que dans les premières années d’Infoman, l’animateur a eu des difficultés à être accepté par l’establishment politique. «Il fut un temps où il était systématiquement repoussé par les policiers officiels. Il réussissait difficilement à accéder aux personnalités politiques elles-mêmes.»

Le Pr Barrette raconte que l’ancien ministre fédéral Stéphane Dion a longtemps refusé de participer à Infoman. C’est même devenu un gag. Et puis, il a changé d’avis après être devenu chef du PLC.

Jean-René Dufort n’a pas bien été accueilli au début par les cercles journalistiques non plus, même s’il s’est toujours dit friand de l’exactitude et de l’honnêteté. Il est récemment devenu membre de la Fédération des journalistes du Québec, ce qui l’a aidé à organiser des voyages à l’étranger, notamment en Ukraine.

Est-il vraiment un journaliste ? La question lui a été posée plusieurs fois. Il hésite à répondre. «Je suis un peu un caillou dans le soulier du journalisme parce que c’est difficile de déterminer ce que c’est qu’un journaliste. Même les associations de journalistes ont des difficultés à le déterminer. C’est un sujet très actuel.»

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